Elle attend, lui laisse le temps d'une réflexion qu'elle sait peu aisée et la proposition abrupte. Malgré la peine d'un choix, elle est heureuse de l'avoir à ses côtés. Son sourire s'était effacé alors qu'elle avait imitée sa voisine, goûtant elle aussi au cocktail amer. Un pincement lorsque le liquide piqua ses lèvres et sa gorge, elle soupira avec douceur. Non pour ses réponses, mais contre le comportement d'Hysteria. Erinye le comprenait, savait que rien n'était simple. Pourtant... elle secoua légère la tête avec lassitude avant qu'elle n'entende la proposition de son ami. Un sourire tendre, triste peint à nouveau son visage.

" Non, je n'irai pas le rejoindre. Je t'ai dit que je resterai avec toi." Un regard en arrière sur le groupe de garçon. " Il..." Elle ne saurait l'expliquer, autant que cela lui pèse, ce n'était pas sa relation et ils devaient, seuls, se retrouver. Simplement..."Tout va s'arranger Crys, je te le promets."

Elle prit une gorgée tandis que son amie posait son verre, n'eut le temps de ne rien ajouter. Son regard se fit réprobateur, elle posa la boisson et son ton se fit plus sévère.

" Pas facile pour moi ? Tu rigoles ?" Elle soupira, calma sa voix qui se fit rassurante. Si quelqu'un devait s'avouer heureuse qu'on souffre sa présence malgré l'amnésie, c'était elle, non Crystal. Elle posa sa main sur la sienne, la serra. " On est ensemble, on reste ensemble. Et cette soirée sera parfaite. "

Elle en était persuadée, rendrait ces heures merveilleuses pour celle qui revenait dans sa vie en retrouvant la sienne. Elle lui assura dans un sourire doux.

Neptune ne connaîtra pas de drames ce soir:

C y a l a n a

Encore, elle peinait à croire que Crystal se tenait là, devant elle, qu’elles échangeaient des paroles innocentes, des sourires qu’elle pensait pour toujours perdus. Sincère, elle lui avait promis que tout s’arrangerait, se savait pourtant hypocrite. Elle ne pourrait rien faire, tout dépendait de la trappeuse nouvelle. Le poids, seule Crystal le portait. La douleur de l’oubli, le traumatisme de la mort, Érinye ne pourrait jamais les concevoir pleinement. Ainsi, pour l’amie qui lui avait à nouveau ouvert les bras malgré la souffrance, pour celle qui souriait sans ombre alors que tant l’entouraient, elle sourirait toujours, masquerait ses doutes. Parce qu’elle était forte, elle le serait aussi.

Elle lui rendit son étreinte avec douceur, acquiesça d’un « oui » murmuré. Crystal était là, elles étaient ensemble. Ses yeux bruns sur le visage dont la pâleur était éclairée par le rouge de ses lèvres, rendait profond le bleu de ses yeux. Érinye paraissait une enfant, de ceux qui noient leurs larmes sous une joie brute.  

Reportant son attention sur son verre, elle s’astreignit au calme, tut l’ironie qui hurlait entre ses tempes. Évidemment, rien n’allait, rien n’irait. N’en avait-elle pas assez de ses promesses jetées dans le vent ? Un sourire pour elle-même, décidément, elle excellait dans l’art de se voiler la face. Un sourire pour son amie, au moins faisait-elle illusion.

Comme un écho, la voix de Silence résonna avec un naturel propre à la situation, impropre à leur entente. Érinye ne s’étonnait pas de sa présence, si Strife lui avait demandé d’être son témoin après qu’elle l’avait poignardée, il eut paru étonnant qu’elle s’insurge contre deux couteaux plantés dans les cuisses. Elle le considéra, retint le sarcasme qui surgit, parvint à n’en teindre qu’imperceptiblement son visage. Que dire ? Elle retenait à merveille les frissons et l’angoisse devant son amie la plus chère, perdue quelques mois auparavant, revenue des morts alors qu’elle n’avait pas fait son deuil ; se partageait entre ce cœur amnésique et celui déchiré d’un frère qui ne savait plus à qui de la vengeance ou de la paix inquiète il devait prêter allégeance tandis qu’elle-même avait renié ses plus grandes promesses de représailles ; se remettait de jambes éclatées sous les armes, soignées par miracle. Mais à part ça, elle pouvait lui répondre avec assurance que tout allait bien. Ce soir le blanc tamiserait l’or et le bleu qui tâchaient encore sa vue, la musique nuancerait les grésillements devenus sourds, la danse rendrait léger ce poids sur ces épaules. Alors oui, tout allait bien jusqu’à ce que Crystal ne s’embourbe dans des propos sans sens.

Son amie s’excusait avec gêne et empressement . Elle savait qu’elle était prompte aux excuses, mais celles-ci étaient trop précises, inattendues après une interrogation qui relevait plus de la politesse que du réel intérêt. Masquant peu son étonnement, elle l’interrogea du regard, s’inquiétant de son soupir, de la boisson finit trop vite, de cette phrase de départ qui allait à l’encontre de ce qu’elles avaient convenues.

Sévère, elle fronça les yeux, suivant la silhouette qui s’éloignait, faisant confiance à la vitesse qu’elle prêtait à sa disparition. Quand pourraient-elles échanger plus de quelques secondes ? La salle s’était remplie de visages inconnus, d’autres si souvent croisés. Dolly à ce bar dont elle ignora le rouge de ses yeux. Ne pas craindre. Moon dont le chignon clair tranchait avec le noir de sa robe. Ne pas s’animer. Une Wild se mariait en ce jour et elle oubliait que le quotidien de celle-ci se teintait de rose et de blanc. Aucun drame ce soir, elle s’en était fait la promesse. Aucun aléa qui n’entache un bonheur qui n’était pas le leur. Un regard pour Hysteria et Winter toujours à son écart.

Une seconde avant qu’elle ne lève à nouveau son attention vers Silence. Les mots de Crystal rebondissaient contre les questions personnelles. Des derniers jeux, elle n’avait qu’un souvenir flou ; de lui, elle ne se rappelait que de l’ombre nocturne, de la voix brumeuse, de la lueur exaspérée alors qu’elle sombrait sur le coup. Souvenirs matériels lui assurant que rien ne fut inventé malgré la fièvre, restaient à son chevet l’écorce gravée et ce lapin brun nommé avec grand pragmatisme par Winter « Boule de poils ». Tout lui assurait que cet animal à la patte fragile avait été le compagnon qu’elle avait suivi entre les bois, celui qui dormait au creux des bras du trapper. S’en souvenait-il au moins, lui qui l'avait porté jusqu’au point de ralliement ? Au-delà de son étrangeté, l’information de l’adoption nouvelle n’était pas seule à se presser dans son esprit. Le remercier pour son aide, demander pardon, encore, pour la situation dans laquelle elle l’avait mis, mais surtout s’enquérir de ce qui n’allait pas. Or, de ce dernier point, elle n’était pas coutumière, se doutait de la teneur du chagrin présumé. Une trahison, une blessure, une mort, un triptyque si familier auxquels il leur était pourtant difficile de s’accoutumer. Ils n’étaient pas amis et même ainsi proches elle ne l’aurait pas questionné sur une peine s’il ne souhaitait la livrer de lui-même. Tous avaient leurs démons, parfois, il était plus simple de les taire.

« Oublie. » Elle ne savait si cette injonction concernait les phrases de son amie ou les malheurs que rencontrait Silence. « Ce soir tout va bien. » Si cela était une réponse à sa question ou l’affirmation d’un état auxquels ils devaient se plier.

Assurance pour lui autant que pour elle. Érinye noya dans une gorgée amère son inquiétude pour celui dont la tristesse fut affichée par erreur. Aux agrumes de la boisson, elle fut étonnée de ne plus sentir oppressée, de livrer ces mots, comprit que Silence était le seul devant qui elle n’avait pas à feindre l’insouciante allégresse. Elle eut pu sourire. Il fallait croire que se voir trempés de pluie et de larmes rendait futile toute marque de fierté, que se sauver la vie obligeait à l’humilité honnête. Ce constat brisa ses dernières barrières. Eux qui se rencontraient à présent si apprêtés, dans un endroit qui pour une fois n’était pas fait d’arbres et de pénombre pouvaient bien plonger plus encore dans l’irrationnel.

« Dis-moi… » Elle se tut aussitôt, le regard agrandit alors qu’il avait glissé sur l’homme à présent aux côtés de Silence. Fermant ses lèvres restées entre-ouvertes, serrant le verre dans sa main, ses joues se teintèrent de bleu. Pourquoi rougissait-il ainsi ? Pourquoi répondait-elle à sa gêne ? Les images anciennes, aussi claires que la veille et sa voix grave aux paroles si pesantes.

Parfaite, magnifique était cette illustration de l’absurde. Elle prenait donc un verre avec les deux hommes qui, malgré eux, malgré elle, lui avaient sauvé la vie, s’étaient inquiétés de son état physique comme moral avec un soin démesuré.

Tout était normal.  

Pardon tous les deux, elle aurait aimé en rire, mais l’hilarité resta en travers de sa gorge. Alors, elle vous dévisagea, muette, persuadée qu’aucune parole n’aurait de sens auprès de vous dont les mots n’en avaient eu que trop.

L'appel de Strife retentit, carillon salvateur. Érinye finit son verre avant de s'adresser à Silence avec douceur tandis que pour couronner cette situation, l'Empereur Wild en faisait de même avec le chasseur.

« Tu viens ? »

Elle ne savait s'il avait un rôle dans cette cérémonie qui semblait s'imposer à lui, mais il était temps pour elle d'honorer le sien et l'adresse de la mariée leur était à tous destinée.

Neptune is fine :

C y a l a n a

Tout s'imbrique, tout se met en place.
Ou presque.
Le brun ne se préoccupe que de l'évolution des mariées, entendant bien malgré lui les propos de Crystal et Erinye de l'autre côté du bar.
Il se masse les tempes un instant, ses pensées moroses surplombées par la voix de Winter. Diantre.
Il n'en pensait pas moins que lui cependant mais il était hors de question de renchérir. Tant qu'il sirote son sirop de fraise. ou coca.
Il s'en fout.

Il capte d'un oeil Silence ... il regarde ailleurs.
Il doit penser encore qu'il l'a trahi.

Hysteria se redresse lorsque Strife s'impatiente, ce qui était tout à son honneur vu que le brun n'attendait plus que ça finisse. Il montre la marche à Winter pour l'inviter à se rendre sur les bancs, jette un regard en arrière vers Erinye à qui il sourit, puis pose son protégé presque tout devant.

- Je serai non loin de Flesh mais probablement debout pendant l'appel des alliances. Par pitié... fais comme si tu passais un très bon moment.

L'ironie du sort voulait qu'il se retrouve, lui, aux côtés de Crystal. Vertige. Un conseil donné à Winter qu'il se devait d'appliquer lui-même.
Il était temps de passer à la cérémonie. En parlant de Flesh, il la cherche des yeux. .. et percevant alors Dolly, un sourire narquois aux lèvres.

Elle. Ici.

Tenue de D4rShySteri4