[GRADINS]

Winter avait une capacité à s’agacer égale à la sienne. Il n’était pas satisfait et, dans un sens, elle ne l’était pas non plus. Le laisser s’inquiéter de son état, hésiter à continuer, refuser une victoire qui n’en portait, selon lui, que le nom ne lui plaisait pas. Cependant, elle ne déclarait pas forfait dans un combat ou dans une course. Ils avaient simplement participé ensemble. Elle ne doutait pas qu’avec plus de temps et moins de soucis, il aurait trouvé la solution à l’énigme. Lui qui maniait le sarcasme ne pouvait se retrouver éternellement bloqué derrière des lettres. Érinye haussa doucement les épaules. Elle ne le gratifierait pas d’un réconfort mielleux, souhaitait remettre une chose au clair.

« Si, c’est juste une victoire à deux. »

Or, dans cette équipe, il était le seul à pouvoir poursuivre, à pouvoir marcher, réfléchir, courir, se battre. Aucune injustice dans ce schéma, aucun remord qui ne puisse entacher la victoire. Ils ne s’étaient pas opposés, avaient agi de concert et l’énigme n’avait pas été pour elle, déplaisante. Suivant Winter du regard, elle espérait que l’arbitre ne leur refuse pas la réponse. Un instant, ils surent qu’elle était juste, que les jeux continueraient pour lui.

Elle ne pouvait mentir, elle aurait préféré qu’il reste avec elle pour la maintenir hors des brumes, pour partager les mots qu’ils n’avaient pu se dire hier soir, s’enquérir de son état, connaître le nom de ses précédents adversaires, mais le repos ne leur était pas offert. Alors qu’il se levait, elle acquiesça, muette. Il ne restait qu’une partie, une seule, mais ce nombre suffisait à être fatal. Il ne lui avait fallu qu’un combat pour perdre ses deux jambes, avec elles sa conscience et sa mobilité. Lorsqu’il tourna le dos, elle chercha sa voix au creux de sa gorge.  

« Ne risque pas ta vie. Si tu retrouves face à plus fort que toi, abandonne. Le jeu n’en vaut pas la peine, d'accord ? Tu auras mille autres occasions de gagner. »

Si elle avait reçu ce conseil, elle se serait indignée que quelqu’un puisse imaginer à sa défaite, l’aurait méprisé, mais elle s'en serait rappelée au moment fatidique. À cet instant, peut-être l'aurait-elle écouté, aurait accepté son échec avant qu’il ancre sa chair, ne lui laissant que le loisir de se le remémorer sans cesse, immobile. Elle espérait, quitte à le vexer, que Winter s'en souvienne, briser l'ego mal placé qui ne l'aiderait pas à se soigner. Il ne devait pas finir comme elle, ne remporterait, de toutes les manières, qu’une victoire relative. Quel que soit le titre à la clef, il ne méritait pas qu’on y laisse la vie. Elle ne voulait pas lui imposer de gagner à tout prix, le bercer dans ces paroles qui l’avaient conduite à se détruire, par orgueil, par loyauté. Elle voulait lui assurer qu'il avait le choix. Qu'importe celui qu'il ferait, elle serait là.

Érinye regarda Winter disparaître entre les arbres, un sourire étirant le coin de ses lèvres, tendre malgré l’inquiétude. Fermant les paupières, elle se permit de lâcher prise. Sa respiration s’accéléra et la douleur monta, brutale, provoquant nausées et vertiges. Le bruit feutré de pas lui fit ouvrir des yeux brillants de fièvre et de haine. Son compagnon noir s’approchait à nouveau, rapide pour elle qui était coincée dans la torpeur. Il s’arrêta près du flanc qui avait reçu le coup de Flesh, brisant peut-être ce qu’il renfermait. Elle ne parvenait plus à distinguer les sources de ses élancements. L’instinct de se protéger, de fuir face à l’attaque probable courait dans son corps meurtri, mais paralysée, elle maîtrisa les tremblements de détresse, toisant l’homme qui la dominait. D’une voix étrangement aigüe, il lui indiqua qu’ils allaient la ramener au point de ralliement. Si peu aimable qu’il ne détailla pas l’identité de ces inconnus, elle les vit apparaître, civière en main. Privilégiée, elle avait donc droit à des porteurs personnels.

La main de l’homme se posa sur son épaule. Violente, elle attrapa son poignet, ses doigts entourant de sa chair, menaces sans parole qui lui intimaient de se retirer, de reculer et de ne plus oser la toucher. N’étant pas dupe, elle savait qu’elle aurait besoin d’eux si Hysteria ne revenait pas. Néanmoins, peu sensible à l’inconfort du voyage, elle ne souhaitait pas qu’ils l’approchent, écœurée à l’idée qu’ils la touchent. Qu’ils la laissent, elle était fatiguée de ce sentiment de malaise qui étreignait son ventre et sa poitrine, ses tempes qui battaient et sa vue qui se brouillait ne percevant plus que leurs silhouettes, floues autour d’elle. Des mains effleurèrent encore sa peau, trop nombreuses pour qu'elle puisse identifier les membres atteints. Elle se débattit, hurlant sous la souffrance provoquée et son hurlement amplifia sa douleur. Sous ses ongles, elle sentit la chair, sous ses lèvres, une présence, le goût âcre du vêtement qui ne voulait se déchirer sous la force de sa mâchoire. Ne pouvant distinguer si les frissons dans sa nuque étaient imaginés ou réels, si elle sombra sous le délire ou sous le choc violent qui résonna contre ses tempes.

Ses yeux s’ouvrirent sur le soleil clair, aveuglée au rythme des pas. Voulant constater la cause de sa nouvelle douleur, plus vive que sa migraine, elle ne parvint à bouger ses mains. Dans la panique, elle tenta se relever, mais ne put esquisser aucun mouvement. Agitant ses doigts, elle sentit le tissu qui les entourait. Elle haïssait ce contact. Sous la crainte, les saccades, elle haleta sans que ne lui parvienne l’air espéré, entravé par ce qui était bâillon ou frein à ronger. Les minutes lui parurent des heures, les heures une journée oscillant entre inconscience et éveil halluciné avant qu’enfin le voyage ne cesse. Des mots sans aucun sens, on lui demandait de ne pas s’agiter. Adorables dans leur prévenance, inquiets pour leur état plus que pour le sien. Alors qu’ils l’installaient, elle se vit aux premières loges pour admirer les contours flous de l’arène. Elle pourrait remercier ceux qui ne l'avait ramenée, mais ne démordant pas de sa mauvaise foi, préféra leur reprocher les voyages inutiles.
Lorsqu’ils s’éloignèrent, elle laissa tomber le foulard maltraité sur ses cuisses, arracha vivement les liens qui retenaient ses mains dans un cocon, porta sa paume au côté de son crâne, le sang bleu la maculait. Plus rien ne faisait sens.

Cherchant ses affaires, elle les trouva disposées sur ses cuisses, rassurée de les savoir intactes alors qu'elle les dénombrait sous ses doigts. L'écorce aussi était là. Elle les déposa près d’elle avec lenteur. Érinye soupira, alors que d’autres se présentaient sur ce qui devait être des gradins. Paralysée, incapable de se détourner du spectacle qui allait se produire, elle redoutait l’identité des artistes qui joueraient l'épreuve de force. Seul le nom de Winter lui apparaissait avec certitude, ceux de Flesh, Hysteria, Crystal dansant dans son esprit accompagnés de celui qui s'imposait à elle, Silence. Alors, avant que tout ne s'éclaircisse, elle ne se concentrerait que sur celui qu'elle regrettait maintenant d'avoir poussé à la victoire, redoutant l'adversaire contre qui il combattrait. Son regard se durcit. Même infirme peu lui importaient les règles, l’issue du combat, elle sauterait à la gorge de celui qui oserait le blesser.

Un carrosse pour Neptune:

Équipement et inventaire:

 

C y a l a n a

Les gradins se remplissaient des participants qui comme elle, avaient perdus leurs épreuves. Peu étaient ceux qui partageaient son état. Elle attendit, soucieuse, que les adversaires arrivent et chaque visage qui apparaissait augmentait son inquiétude.

Son cœur s’arrêta. Crystal et Hysteria étaient face à face. L’angoisse d’une retrouvaille sur le sable, des conséquences que cela aurait sur son frère. Pourtant, aucun d'eux ne semblait perturbé de cette apparition. Sans comprendre, elle douta que Hysteria ne puisse pas reconnaitre celle qu'il avait aimée. De loin, elle ne pouvait que regarder une rencontre, improbable sous la lame. Irréelle, Crystal avait brisé sa prison de terre, était revenue parmi eux. Qu’ils ne la perdent pas encore. Ses doigts s’agitaient, sa gorge se serra. Elle ne devait plus être blessée, ne plus disparaître. Elle murmura sa prière sourde, inutile, « Prends soin d’elle, s’il te plaît ».

Les éléments comme les images se mélangeaient. Silence avait réussi son épreuve malgré sa nuit de veille, rassurée de le voir sans blessure, irritée au souvenir du message, satisfaction fugace de le savoir vainqueur, ces sentiments disparurent lorsque Winter monta devant lui. Le souffle lui manqua devant l’ironie du sort, le retour sur sa dernière promesse. Malgré l’enjeu, malgré les règles, elle ne lui pardonnerait pas de blesser l’un des siens. Il ne le connaissait pas, n’avait pas à le considérer. Au fond, elle ne devrait pas lui en vouloir, mais il s’agissait de Winter. Toutefois, le vigilante représentait tout autant une menace pour le trapper, mais elle refusa nette l'inquiétude qui apparaissait. Furieuse devant ce duel insensé, elle était impuissante, ne pouvait qu’admirer le jeu du hasard et ses effets.

La frustration et le tourment lui faisait oublier la douleur et la fatigue. Alors que son regard courait sur l'arène, elle sentit que l’on s’asseyait à ses côtés. Lentement, elle considéra l’intrus. Strife, venait de la rejoindre dans sa nonchalance habituelle. Érinye lui rendit son signe de tête avant de répondre, reportant son attention sur les combats qui allaient débuter.

« Salut. Oui, j’ai déjà été dans un meilleur état.» Nouveau regard rapide à celle qui tirait une cigarette, ne portait aucune blessure. « Ça a l'air d'aller pour toi. »

La crainte l’animait, renforcée par l’opposition entre Flesh et Lacrimosa. Touches finales à ses emportements, la honte et le remord l'étreignirent, ceux de l’avoir griffée, de lui avoir demandé de la blesser alors qu’elle ne l’avait prié d’abandonner. Après ces jeux, elle lui demanderait de la pardonner pour son orgueil, pour ce geste suicidaire et les échos furieux qu’il laissait en mémoire.

Aux paroles de la Wild, un sourire fatigué se dessina sur ses lèvres, moqueuse devant la scène où tous ceux à qui elle tenait s’affrontaient.

« Beaucoup trop de monde… Mais pour le titre de champion, Flesh. » Dans l’arène, seule Moon partageait la faction de sa voisine. Question évidente qu’elle posa néanmoins. « Et toi ? »

Moon, si frêle devant Hurricane. Elle aurait espéré la voir se servir de son arc, mais l’arme manquait et elle ne semblait pas dans le meilleur de ses états. Les affrontements débutés, ses yeux se portèrent sur Flesh qui s’élançait, imitant sa première action après avoir aveuglé Lacrimosa. Un pincement au coin des lèvres devant l’échec, cette technique ne convenait à aucune d’elles. Des crispations et l’envie de se lever pour intervenir contre celui qui avait pour habitude d’écraser le corps de ses adversaires. Son corps gardait encore le souvenir des coups infligés par le trapper. Elle s’astreint au calme, ne pouvant esquisser aucun mouvement, Flesh se relèverait.

Sous la pression des combats, elle ne détacha pas son regard de l’arène, s’attendant à une nouvelle plaisanterie de Strife, une question sans sens.

« Vas-y. »

Dans le brouillard qui l’entourait, la simple présence de la Wild parvenait à la rassurer.

Popcorn goût "amertume":

Équipement et inventaire:

 

C y a l a n a

Il ne ressent aucune once de fatigue.
Rien.

Peut-être le néant.

Il avait ramené Lilith au point de ralliement, comme convenu et il savait Erinye hors-course. Son état le préoccupe autant que l'épreuve à venir.
La dernière.

Une fois arrivé dans le ring, 16h55.
Il perçoit sa silhouette. Parfaite.
Le corps de Crystal l'a toujours -et encore- rendu fou. En dehors du lien qui s'est créé, dans le passé.

Une fois non loin de l'arbitre, ses orbes dorées ne cessent de vaciller entre l'homme et Crystal, cette dernière le nez vers le bas. Il l'entend soupirer.

Heureusement quand ils se regardent, le sourire reservé aux lèvres, l'hysterie est appelée à se souvenir du passé.

- ..

Il ne lui répond pas. Il allait bien, ça se voyait. Il ne souffrait que de peines intérieures, mais en rien d'un problème physique. Ces tournois ont été quasiment une promenade de santé sinon un mic-mac brutal d'émotions.

Et il était perdu.
Si elle était là, si elle... était présente alors à quoi bon devenir champion.

Sa raison d'être était ébranlée, aujourd'hui.

Et le spectre du visage de Starlord réapparait, monstrueux, arrogant, déterminé.

Son regard se perd.
L o n g t e m p s.

Jusqu'à relever la tête. L'expression... enfantine ?

- Crys'... je.

... Je suis très heureux que tu sois de retour parmi nous. ..

Il détourne le visage, le corps puis les talons et se rapproche de lui-même des frontières du ring. Et demande au final :

- Etre champion, c'est permettre à sa faction de subsister dans le confort, d'améliorer notre mode de vie et de défense. Mais ca permet aussi... d'accéder à un voeu personnel.

Il penche la tête et son regard se fait plus acéré.

- Alors, je voulais savoir. En as-tu un.. ? De voeu perso ?

Interdite, elle leva un sourcil, reportant un instant son attention sur Strife. Leurs regards se croisèrent sans que le sien ne recèle une quelconque ironie. Son parcours lors des HS était étonnement calme, mais ce récit n’était rien contre la surprise d’entendre le nom de son amie entre les lèvres de la Wild.

« Flesh ? »

Les questions lui vinrent, nombreuses. Se souvenant de ce soir de Saint-Valentin où toutes deux s’étaient eues pour compagnes, de la déclaration enflammée de Flesh ainsi que son taux d’alcoolémie. Une soirée avait-elle suffit pour faire d’elle sa favorite lors des jeux ?

À défaut de ne pouvoir bouger ses jambes, elle tordait ses mains. Elle avait mal, une douleur qui ne la quittait pas depuis la veille. Elle souhaitait que cela cesse, dormir encore, guérir, vite. La fumée soufflée s’étendait devant ses yeux, grisant le spectacle, et ceux-ci s’écarquillèrent. Avant qu’un immense sourire n’étire ses lèvres. Elle s’étant attendu à de l’humour, pas de l’absurde. Elle quitta le combat pour se tourner vers celle qui ajoutait à son délire, lui accorda un soupir amusé.  

« J’ai failli y croire. »

Croire à ces mots lancés avec une gêne qu’elle pensait feinte, mais les traits et la gestuelle de Strife la firent soudain hésiter. Impossible que cela soit autre chose qu’une blague bien tournée, que dans leur monde, elle puisse un instant penser au mariage.

« Attends, tu es sérieuse ? »

Se coupant des bruits alentours, elle fixait celle dont elle doutait de l’humour non de la sincérité. Si elle se mariait, avec qui ? Sa première pensée alla à celle qu’elles soutenaient ensemble. Impossible, la liaison était biaisée, soufflée par la dernière mention du prénom, du souvenir de la soirée. Si elle était sérieuse, alors elle lui demandait sincèrement, à elle, de devenir témoin ? Confuse, elle avait peur de tomber dans la supercherie, d’avoir pu croire un instant que la confiance que lui portait Strife était telle qu’elle lui demandait une chose aussi importante. Si farce il y avait, elle se vexerait certainement - puisqu’il était vrai que sa fierté était une préoccupation principale lors de ces Hunting Sports.

Neptune, témoin de mariage part/1:

Équipement et inventaire:

 

C y a l a n a