Six. Le compte-à-rebours avait commencé, naturel, dans son esprit.

- Lâche-moi.

Sept. Lâche-là, toi qui te couvrais de son visage sans aucun masque, dont le contact de la main la dégoutait, qui, blessé, t’avançais trop calme. Toi dont les propos la heurtaient, la laissant sombrer sous l’angoisse et la haine, tu n’avais pas sa voix, tu n’avais pas ses mots. Alors arrête, rends-lui son frère ou disparais, mais par pitié tais-toi.

Onze. Ses paroles qui la blessaient, cette réalité qui l’embrouillait, ce corps meurtri qui se relevait. Non, il devait rester à terre, se reposer. Elle l’en avait assuré, tout irait bien. Alors pourquoi se lever ? Qu'y avait-il ? Toi, laisse-la se retourner. Pourquoi t’étais-tu approché si près ? Tu étais un danger, une bombe à retardement, recule, mais surtout…

- Ferme-là!

Quatorze. Terreur et colère, son ordre achevé par un râle, une douleur à l’arrière de sa cuisse. Elle se retint à ton bras, l’esprit trop vif. Une inquiétude, Silence. Non, il n’y avait eu qu’un coup de feu. Sa main tâtant la blessure, rien, une balle. Le projectile pouvait rester là, trancher sa chair pendant qu'elle se débattait. De nouveaux arrivants dont les pas se dirigeaient vers Moon, December, le drapeau. Combien étaient-ils ? Du coin de l’oeil, elle vit ses cheveux blancs. Flesh. Elle n’avait pas le temps de s’en préoccuper, de s’insurger contre cette attaque. Parce que tu étais là, toi devant-elle, menace première. Ayant reçu l’infection, fourbe, tu ne partirais pas terrifié. Non toi, elle le savait, elle le sentait, tu souhaiterais tuer.

Vingt-et-un. Un choc, ils avaient gagné cette manche, planté ce drapeau. Alors que tout recommençait. Leur laisser maintenant le leur ? Mince, elle devait le crier à Moon mais elle ne pouvait pas.

Vingt-deux. La musique résonna dans son esprit, forte, moqueuse. Une fois encore, elle chantait au meilleur instant. Alors sous les notes de cette mélodie, elle qui se sentait acculée, se libérait. À ta fureur nouvelle, incontrôlée, elle t’opposerait la sienne, sans maîtrise. Sa seule issue ainsi frappée, sans espoir de soutien, redoutant de nouveaux coups. Sa seule envie contre ton audace. Toi qui avait poignardé son allié en se couvrant du masque de son frère, tu connaitrais le sens de son nom.

Vingt-trois. Le silence. Non, la conscience, claire de ce monde flou, trop net. Rouge sombre, bleu plutôt ? Ah non, ce sang qu’elle goutait n’est pas le sien, ni le tien d’ailleurs. Qu’elle cesse, cette musique entraînante. Tais-toi. Non, tu ne parlais plus. Quand bien même, elle se redressait te donnant un coup violent au visage, pour te faire reculer de quelques pas seulement, pour te regarder.

Vingt-quatre. Menteur, ordure. Tu étais drôle comme homme, drôle à t’être présenté ainsi blessé, drôle à désigner une traîtrise absente. Drôle, si drôle que ton numéro la fit rire. Ce rire clair, d'une douceur mauvaise. Tu l’entendais ? Pouvais-tu encore l’entendre ? Ah, cela lui faisait du bien de rire. Toi le clown, tu l’avais blessé non ? Son allié à terre, tu l’avais rendu incapable de se battre n'est-ce pas ? Et Hysteria où était-il ? Hein, où était-il ?

Vingt-sept. Ah oui, tu devais tituber un peu sous le coup ou peut-être sous le don. Il était agréable n’est-ce pas ? Non, elle te mentait, elle se mentait, il n’avait rien de supportable. Mais si elle pouvait s’en apercevoir, toi tu sombrerais. Aïe. Oui, c’est vrai, elle était blessée. Ça la piquait mais l’extase apaisait toute douleur. C’est pour cela qu’elle se laissait emportée, entre autres. Aïe. Bon sang, elles faisaient mal ces lèvres à s’étirer ainsi, ces pupilles à se dilater, ces dents à se crisser et ces doigts à s’agiter. Une nouvelle dague saisie, ses deux mains maintenant armées.

Vingt-huit. Ça la brûlait, ça la démangeait, ça la rongeait. Dis-lui l’imposteur, dis-lui maintenant pourquoi tu avais fait tout ça ? Propose-lui réparation, prie pour sa clémence. Non, pardon, ce n’était pas important. Non, en réalité même excusé, elle te déchirerait. Folie, fureur, vengeance nous courrons et elle, elle irait avec nous. Enfin, libres.

Vingt-neuf. Te tuer, te blesser, te maitriser. Rah, tu n’étais pas assez, pas assez pour qu’elle oublie ces corps étendus, cette alliée menacée, ce drapeau en danger et tous les autres. Où étaient-ils ? Simple emportement pour te tenir tête, te faisant face, elle cherchait au fond à se libérer encore, à trouver une nouvelle victime. Mais non, il fallait elle garde sa raison. Ah sa tête, elle allait exploser. Arracher un cri, faire couler le sang, des larmes peut-être, faire souffrir, laisser agoniser. Une lueur de satisfaction. Faire souffrir, c'était parfait.

Trente. Cette voix déformée, moqueuse, qui arrachait sa gorge, fendait son sourire, sadique.

- Pardon, ça fait mal ?

Ne t’en fais pas, elle t’accompagnait. Viens, elle t’attendait.

Neptune sort de son orbite:

Effets du don sur Nighty Night :

Ah oui, cela te faisait mal. Si mal que tu en perdais tout sens de politesse. Voyons, ne l’injurie pas, cela la fait bleuir. Complimente nous encore, démon, mais change de visage, s’il te plaît. Change de masque ou mets-en un, mais retire ce visage aimé. Regarde, cela l’empêchait de s’extasier pleinement. Elle le ressentait, ce poids dans sa poitrine. Même si elle savait que tu n'es pas lui, elle ne voyait que son image, transfigurée. Cet infime regret nous agaçait. Alors deviens-toi et laisse la partir.

Non, tu ne voulais pas, tu t'élançais, enragé. Alors, ne se sentait-on pas plus vivant entre nos mains ? Son corps se dénoua, vif, sans douleur, prenant ses appuis. Tu n’étais pas la première bête qu’elle avait créée, elle vous connaissait tous, ceux qui hurlaient à la mort. Vous voir ainsi était une délectation, alors vous détruire...

Tu voulus la frapper, inconscient, mais elle se baissa pour esquiver ton coup, planta son arme sous ta côte, profondément. Ce qui tranchait ta chair n'était pas qu'une lame, c'était la marque de sa haine, de sa vengeance. Goûte, n'est-ce pas délicieux ? Ah non, c'était vrai, toi, tu subissais. C’était à cet endroit que tu avais touché son allié, non ? Oh, à nouveau tu l’avais faite rire. Joyeuse sur ce retour de lame, éprise de satisfaction. Ce sang qui s'écoulait dans le creux de sa paume, cette sensation lorsqu'elle retira sa lame. Tout la rendait ivre alors qu'elle menait votre combat. Tu t'écroulais sur son dos alors qu'elle se glissait dans le tien. Mange le sol, mais avant souffre, encore. Tournant ses dagues, elle s'accroupit un peu plus, pivota sur sa jambe indemne et trancha. Elle était folle mais elle ne perdait pas la tête, elle t'avait tranché les tendons à l'arrière de tes genoux. Oui, ceux qui te servaient à te tenir debout. Ainsi, tu ne te relèverais plus.

Quel est le goût de l’impuissance ? Tu voudrais tout détruire mais on ne détruit pas le monde lorsqu'on est à ses pieds.

Dans sa course, elle s'était relevée. Se retourna avide, méconnaissable. Quoique, nous la préférions ainsi. Elle te regardait, les yeux injectés de son sang, le coeur battant, le corps frissonnant. Encore. Alors elle se rapprocha, souriante à s'en déchirer le visage. Tu aurais dû la regarder à cet instant, magnifique, libre. Alors elle rit, rit à s’en crever les poumons. Elle rit s’en plus pouvoir s’arrêter. Un rire d'extase, un rire pour se libérer.

Elle était frustrée de ne pouvoir te sauter à la gorge, frustrée de rester ainsi, les doigts autour de ses armes, serrées pour ne pas lâcher cet attirail futile, seul lien avec son humanité. Elle voulait mordre, griffer, déchirer, dévorer, tuer. Qu'elle se laisse aller, qu'elle se laisse sombrer, elle pouvait bien te tuer, toi qui l'avait tant blessée.

Vengée.

Ses temps battaient alors qu’elle souhaitaient calmer son coeur. Sa respiration saccadée, profonde, bruyante. Elle était essoufflée. Tout était déjà terminé ?  Érinye nous abandonnait, nous, alors que nous l’avions tant aidée. Il restait du temps, il en restait tant. Qu'elle se tourne vers les autres accrochés à leur drapeau. Son cou lui faisait mal, elle résistait. Soit alors qu'elle regarde ce semi cadavre, il pouvait encore être infecté. Elle l'avait déjà fait. Un râle contre elle-même, un combat contre ses pensées sordides. Non, plus jamais ? Elle nous rejeta avec violence. Ah, nous avions eu la mauvaise idée.

Ingrate.

Sans nous, la fatigue gagnait ses membres, la douleur se déployait à nouveau dans sa jambe, sans entrave. Faible, elle avait besoin de nous. 
Elle se laissa tomber sur ses genoux. Sourde, aveugle, elle prit un instant pour retrouver le monde, se remémorer la scène contre cet être qui avait prit la forme de son frère. Elle leva les yeux, espérant ne plus le voir, mais il était là, encore sous l'effet du don. Elle se leva, difficilement. Traînant sa jambe, elle dépassa la bête, pour rejoindre son allié blessé.

Ayant cédé, les frissons et les démangeaisons n’en était que plus grands. Or, depuis toujours, elle avait appris à se contrôler. Une victime n’était plus assez pour complètement la perdre. Un regard sur la plaie dans le dos de Silence. Merde. Le voir dans cet état la nouait de colère et d'inquiétude. Ses mains tremblaient, elle était épuisée. Tandis que le fardeau la quittait, laissant les derniers picotements s'évaporer, elle le retourna doucement pour ne pas qu’il s’étouffe avec son sang. Elle devait encore s'occuper de l'imposteur. À terre, il pouvait encore mordre.

Le son de la moto perça les arbres, lui faisant lever les yeux. Le jeu, le drapeau. L’horreur la saisit alors. Près d’elle, trop près d’eux, il s’était trainé. Sous ses yeux, il n’était plus lui. Il était elle. Un reflet parfait. Un mince sourire, mais quelle ordure.

Neptune reprend son cycle:

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