Devant ses yeux ébahis, Érinye avait attaqué Strife à coup d’ongles et de morsures avant de lui planter son couteau dans la poitrine.

Et Strife… Strife s’était simplement suicidée.
Silence ne put que cligner des yeux une fois la scène passée. La terreur et la rage d’avoir vu Érinye en danger, le sang de Strife, la douleur lancinante dans sa cheville, les bruits de lutte en arrière plan, tout se mélangeait en une explosion de couleurs, de sons et d’émotions qui lui faisait légèrement tourner la tête, mais il arrivait encore à rester concentré sur les évènements.

Jusqu’à ce qu’une main le bâillonne.

Il sursauta, surpris par le contact inconnu, et ne réalisa pas immédiatement ce qu’il venait de se passer. Un picotement dans son dos lui fit froncer légèrement les sourcils puis ses yeux s’écarquillèrent à la sensation d’une lame qui frottait ses côtes de l’intérieur. Et enfin, la douleur - claire et perçante. Son cri fut étouffé par la main inconnue.

Le temps se mit à s’écouler au ralenti. Silence vit le visage d’Érinye se tordre en une expression horrifiée avant qu’elle ne se mette à crier.
Il comprit réellement que quelque chose n'allait pas lorsque la voix de la Vigilante lui parvint déformée et étouffée. Comme s’il avait la tête dans du coton. Ou sous son oreiller.

Il aurait bien aimé avoir la tête sous son oreiller là tout de suite.

Étrangement, malgré le brouillard qui s’installait, il était encore lucide. Assez pour voir Érinye repasser à l’attaque et retirer la main qui le tenait. Assez pour comprendre qu’il n’avait plus de contrôle sur son corps lorsqu’il s’effondra sur son alliée sans pouvoir réagir. Assez pour sentir la douleur, impitoyable, qui partait de son dos pour se diffuser dans son côté droit - la personne qui l’avait attaqué avait planté la lame entre ses côtes.

Il sentit plus qu’il n’entendit Érinye lui murmurer quelque chose. Quoi qu'il n’était pas sûr - le coton se faisait de plus en plus épais. Silence eut envie de hurler lorsque la vigilante le tira un peu plus loin et que la sensation dans son dos se fit insupportable. La souffrance était étrange, plus brûlure que déchirement, mais Silence n’était plus vraiment en état de faire la différence.

Le souffle saccadé, il vit Érinye se placer entre son corps et… Hysteria? C’était Hysteria qui l’avait attaqué?
La chaleur de la souffrance fit place à une rage froide qui balaya un instant le brouillard qui s’installait dans son esprit. Il tenta de relever le buste, de dire quelque chose mais sa lutte n’eut pour seule conséquence que de faire exploser la douleur et de lui faire cracher du sang.
Son souffle se fit encore plus laborieux et autour de lui, le monde tourna lorsqu’il sentit les sensations dans sa chevilles se mêler à celles dans son dos.

Cependant, la douleur fut ignorée lorsqu’il repéra, plus loin, la fille aux yeux bandés tirer de sa main transformée en flingue. Vers eux. Vers Érinye.

Non!

Paniqué, il sentit les dernières chapes de brouillard le quitter, remplacées par une adrénaline puissante mêlée de peur qui le poussa enfin à puiser dans ses forces inexistantes pour se redresser. Les sons se firent plus nets, plus agressifs tout à coup mais Silence n'y prêta pas attention.

“Éri-”

La souffrance causée par son mouvement soudain le coupa brusquement et une nausée violente le prit. Par réflexe, il se pencha légèrement vers l’avant, tirant sur sa blessure, sans jamais quitter des yeux la jeune femme.

Mal.

Mal.

Mal.

Ne reste pas là, Érinye!

Il eut le temps de voir la flèche atteindre la cuisse de la Vigilante puis la douleur lui fit fermer les yeux. Il ne pouvait pas crier et un nouveau filet de sang s'écoula de sa bouche. Son corps s'effondra sans qu'il ne puisse rien y faire.
Confusément, il savait qu'il ne mourrai pas mais l'angoisse de se retrouver dans l'incapacité d'agir pour le restant des Hunting Sports lui serra le coeur, ajoutant à la douleur physique une douleur morale inutile.

Un râle s'échappa de sa bouche entrouverte et il tenta de nouveau de bouger mais c'était peine perdue- il allait assister, impuissant, à la défaite de son équipe. À sa propre défaite à lui.