Elle le suit.


Cette phrase lui étreint le coeur jusqu'à le broyer. Retrouver la mémoire.
Retrouver la mémoire ??

Retrouver quoi au juste ? Lui, aux bords de l'asphyxie, le visage rougi par les larmes et les hurlements, lorsqu'il la perdait dans ses bras ?
Ou retrouver le souvenir de Starlord, la transperçant au ventre pour ressentir de nouveau cette sensation qu'est la mort ?

Tout cela avait été une perte si affligeante, réitérée pour la deuxième fois, qu'il lui était impossible de supporter l'idée de renouer avec elle.

Dieu n'avait pas le droit de lui imposer la perspective de la perdre une deuxième fois. Il serait capable de brûler le monde si Starlord, encore vivant, la lui subtilisait une deuxième fois.

Et il lui faudrait la surveiller sans cesse et la protéger, pour ne plus vivre sereinement, dans un monde où déjà les lois étaient insupportables.

Il est sur le point de faire preuve d'un sardonisme tranchant quand elle lui le rappelle à son destin. Cruel, fataliste.

Ses lèvres s'entrouvrent, les sons peinent à sortir ; puis il ravale sa salive et sa machoire se contracte.
Pourquoi faut que ça se passe ainsi ?

Il a le coeur broyé.
Il ne saurait trouver une réponse à son conflit intérieur.
Etre là pour elle, de nouveau ? Renouer, être à ses côtés et espérer qu'elle se souvienne ?
Mais à quel prix.

Il ne prévient pas.
Il ne prévient absolument pas son mouvement. Il la soulève simplement, connaissant par coeur son poids pour ne pas en être destabilisé, et se téléporte à la bordure pour chercher à la re-déposer, derrière la ligne.

La gorge étranglée.
Les mots sortent, avares.

- Oui. J'appartiens au passé. Crys.
.. Et toi. Tu dois te tourner vers le futur.

Elle n’avait fait aucun trait d’humour. Érinye la dévisageait, la suspicion quittant ses traits pour n’y laisser que l’étonnement de voir Strife ainsi sérieuse, mais aussi gênée. Des expressions que son visage et sa voix avaient rarement portés. Ses propos comme son projet faisaient sens. Son premier réflexe avait été de considérer cette union insensée, n’ayant pas sa place dans la vie qu’ils menaient. Sur cette île, nombreux étaient ceux qui réduisaient le nombre des êtres aimés, l’intensité de leur sentiment pour ne pas se risquer à la souffrance. Exposer un tel amour, l’assumer devant tous était dangereux, mais à ses yeux, cela était beau et audacieux. Strife avait raison, s’ils devaient mourir un jour, se perdre lors d’une chasse ou au détour d’une mauvaise rencontre alors autant ne pas gâcher le temps qui leur était offert derrière des principes qui, se voulant courageux et sensés, étaient lâches et absurdes. Vivre pleinement l’attachement pour ne pas s’endeuiller dans le regret. Elle hocha la tête, souriant doucement face à celle qui avait sombré sous le charme.

« Tu as raison. »

Si sa voisine ne riait pas, sa question appelait à une réponse. Ses yeux bruns plongés dans son œil gris, Érinye prit un instant de réflexion inutile alors que sa réponse s’imposait, évidente, obligeant Strife à réitérer sa demande.

« Oui, ce serait pas mal. » Lui confia-t-elle, un sourire entendu, consciente que cette réponse n’en était pas vraiment une. « Maman veut bien être ton témoin. »

Parenthèse dans cette nouvelle chasse, dans ces épreuves qui l’avait éprouvée, Érinye ne ressentit plus les tourments qui s’étaient enfouis aux creux de sa poitrine. Elle savait qu’une attention sur l’arène la plongerait à nouveau dans l’angoisse, mais impuissante face au déroulement des duels, elle accorda le temps de réjouissance à celle qui la considérait assez pour lui demander de témoigner. Profondément reconnaissante, elle n’en détourna pas moins son regard vers les combats, s’astreignant à n’observer que le ciel qui couvrait les participants. Si Strife s’était livrée, elle pouvait être honnête, ne pas accueillir simplement sa question, lui répondre sans ironie, avec calme.

« Ça me touche que tu aies pensé à moi. »

Il était étonnant comme la simple perspective d’un mariage la réjouissait. Heureuse de constater que celle qu’elle appréciait puisse vivre dans une telle affection, lui rappelant ainsi que leur vie n’était pas qu’une suite d’oppositions mortelles ou destructrices. Confiante en la force de Strife qui ne disparaîtrait qu’avec l’âge, mais qui s’engouffrait dans le risque de tout perdre. Elle soupira, si elle plongeait sans attendre dans la fureur, elle était prompte à se laisser porter par l’allégresse. Une question restait, suspendue alors qu’elle la considéra de nouveau, son sourire effacé sans qu’elle ne reprenne pour autant sa sévérité.  

« Je peux te demander avec qui tu veux te marier ? »

Qu’elle ne lui fasse pas l’affront de lui laisser découvrir le jour du mariage, Érinye ne saurait trouver seule. Le bruit des affrontements retentissaient autour d’elles, brisant peu à peu les barrières érigées en une interrogation. Elle se promit qu’après sa réponse, elle s’inquiéterait à nouveau des siens. Les abandonnant pour ces dernières secondes, elle se concentrait sur l’amie qui se tenait à ses côtés, amusée de voir à quoi une noyade et un assassinat les avaient conduites.

Neptune, témoin de mariage part/2:

Équipement et inventaire:

 

C y a l a n a

Les secondes s’étaient écoulées. Le regard sur le ciel clair, elle avait souri encore aux mots de sa voisine, touchée de sa sincérité. Les yeux sur celui gris, ils avaient suivi son mouvement vers l’arène, s’étaient figés à l’instar de son corps. Fermeture brutale de la parenthèse, les combats n’avaient pas suspendu leur cours. À la silhouette aux cheveux blancs qui se relevait en souffrance, l’aveu sans tact de Strife fit écho. Érinye aurait souhaité sourire, s’amuser d’être stupéfaite devant cette révélation prévisible. Elle aurait souhaité en rire, répondre, mais ses lèvres restèrent closes, son attention sévère sur le combat, inquiète pour celle qui s’infligeait un traitement acide pour vaincre le trapper. Peu satisfaite de voir son adversaire à terre, elle ne s’épancha pas. Ce duel était l’un des rares où elle pouvait se permettre de poser sa préférence et, si elle n'aurait pu s’opposer à Lacrimosa, son amie devait, elle, remporter la partie.

Analyse fugace avant que la voix étouffée de Crystal ne la détache de la finale. Reportant vivement son attention sur le visage de son amie, elle y vit les larmes s'écouler, sa gestuelle traduire sa détresse, ses traits se tirer dans le reproche. Jusqu’alors effacée, la colère jaillit de nouveau plus noire qu’au précédent, incontrôlable. Crystal s’emportait contre Hysteria, lui qui ayant été tout pour elle, semblait maintenant la briser. Ses jambes s’animèrent, immobiles, voulurent se lever, se jeter dans l’arène pour que ses bras entourent son amie, que sa voix la rassure, lui assure que celui en qui elles avaient eu confiance ne lui ferait plus de mal, qu’il soit infligé sciemment ou par maladresse. Érinye était furieuse devant ce frère qui ne semblait pas se satisfaire du miracle. Que lui fallait-il de plus à lui qui l’avait tant regrettée, dont l’esprit avait été aveuglé par la vengeance et l’espoir de la voir un jour renaître ? Érinye avait tu sa peine pour soutenir la sienne, deuil partagé dont la douleur ne s’était pas affaiblie avant le retour de la défunte. Il osait, lui et sa fierté sans fond, s’opposer à Crystal. Sombre reproche, désir de le secouer pour lui remettre les idées en place. Sans recul, elle ne savait si elle accusait Hysteria à tort, mais qu’importe, personne d’autre n’entourait le couple et les sanglots de la jeune femme n’étaient pas ceux d’une joie triste. Ils étaient désespérés.
La vigilante n’était pas niaise, ne s’était pas attendue à de joyeuses retrouvailles. La peine qu’elle avait ressentie à l’apparition de son amie ne s’était pas éteinte, ce sentiment de vide, la douleur de se savoir oubliée. Toutefois, ces maux se taisaient devant la détresse de celle qui avait tout perdu, sans qui le monde avait continué d’avancer et qui, seule, dans un couloir sombre devait ouvrir chaque porte, la peur au ventre, pour se souvenir. Érinye ne pouvait qu’imaginer la souffrance ressentie, ne concevrait jamais pleinement la tourmente dans laquelle Crystal était plongée. Alors, il lui fallait simplement être là, près d’elle lorsqu’elle le demanderait, ne pas juger, ne pas opposer ses vexations et ses angoisses. Était-ce si difficile de lui offrir ce repos, de respecter sa convalescence ?
Plongée dans la peine de son amie, elle était injuste avec son frère, prenant conscience des effets d’une telle apparition. Comment aurait-elle aimé qu’il réagisse, elle qui n’avait rien vu ? Autrement, mais pouvait-elle lui intimer d’écouter à cet instant une autre souffrance que la sienne ? Étrangère à leur union, elle ne pouvait lui imposer une bonne conduite. Persuadée qu’aucune n’existait, que toutes auraient eu un effet semblable, elle ne pouvait qu’observer lointaine, leurs cœurs qui s’opposaient. Ne pouvant que supposer leurs sentiments et leurs paroles, elle n’avait pas le droit de se faire juge. Impuissante spectatrice, elle attendrait de les retrouver, panser leurs plaies pour leur assurer que tout finirait par s’arranger. Craignant alors que ses mots ne soient des mensonges.

Elle força ses yeux à se tourner vers l’autre opposition qui occupait son esprit. Winter se tenait seul face au vide. Avancé sur l’arène, elle comprit que le combat avait été amorcé et la silhouette du trapper restant invisible, elle ne pouvait distinguer s’il avait été blessé. Soulagée que le garçon ne présente, de sa distance, aucune blessure, se déplace sans gêne, sa poitrine restait contrite par l’inquiétude. Ses mains se serrèrent alors que ses ongles s’enfonçaient dans sa paume. Elle était exaspérée de croire presque naturellement en la clémence de Silence envers un adolescent. Elle n’en savait rien, trompée par la douceur qu’il avait eu pour l’animal nocturne, sans pouvoir assurer qu’elle ne l’avait pas rêvé, ainsi que les soins qu'il lui avait apporté. Sans certitude, s'il faillissait, la déception s’ajouterait cependant à sa colère alors qu'elle en venait à espérer que Silence s'en prenne à Winter pour que sa conviction, née de nulle part, se brise, que ses questions s'effacent, faire qu'il redevienne l'étranger qu'il avait été quelques mois auparavant. Immobile, aspirée par l’épreuve, elle contenait une colère qu’elle sentait exploser, ravivée par les sentiments contraires. Ses pupilles n’avaient plus besoin de son don pour se dilater, sa mâchoire se crisper et les frissons la parcourir. Elle revenait sur ses espoirs insensés, que l’un d’eux abandonne, qu’ils se laissent sauf sans se blesser. Elle devait se lever, les rejoindre, se tenir prête à les arrêter. Droit qu’elle s’octroyait sans savoir si elle en userait, connaissant l’orgueil de ceux qui se disputaient la victoire. Toutefois, elle avait subi les conséquences de la vanité, priant pour qu’on lui brise les jambes, appelant une défaite sans abandon. Ses ongles rencontrèrent la peau fragile de ses bras, se retenant de la griffer encore alors qu’elle souhaitait imposer à sa chair le déchirement qui se jouait en son esprit. Interdite d’agir dans les combats qui n’étaient pas les siens, contrainte de respecter les épreuves.

Rage affluant au creux de ses veines bleues, elle ne pouvait la contenir dans ce corps débile qui savait que se plaindre, dont la souffrance rajoutait à sa confusion. Sa voix ne serait même pas assez forte pour hurler. Silencieuse, auprès de sa voisine qui semblait partager son malaise, elle parla détachant les mots de sa colère.

« Strife. Tu pourrais me porter ? J’aimerais descendre dans l’arène. »

Idée sans but autre que celui d’agir, bouger ces membres et cette attention qui brûlaient au plus proche de ces affrontements parfaitement cadrés, qui ne souffriraient leur intervention. Elles seraient forcément arrêtées par ces pantins noirs qui jugeaient avec une compassion relative les participants. Ils ne faisaient que leur travail, obligés de se confronter à eux qui se pliaient aux chasses mortelles. Il n’était pas juste de leur reprocher la peine qu’ils subissaient, elle ne l’avait pas non plus été en se débattant contre eux alors qu’ils la transportaient. Ils n’avaient fait que lui venir en aide. Mais pauvres hommes et pauvres femmes, Érinye avait usé de tout son bon sens en s’imposant de ne pas agir, toute sa patience en s'efforçant de supporter les élancements de ses os. Une lueur haineuse dans le regard alors qu’elle portait la main à son crâne où la peau s’était ouverte, maculant ses cheveux clairs du sang bleu sombre. Elle avait son excuse, sombrait dans le délire. Peut-être pouvait-elle leur apporter leur aide, elle aussi, avec toute la bienveillance dont ils avaient fait preuve. Après tout, elle était un soutien. D’un signe de tête, elle désigna à Strife les arbitres qui se tenaient entre les arènes de Winter et de Flesh. Sa voix ne cachait pas ses intentions, mauvaise.

« J’ai deux, trois trucs à voir avec les arbitres. »

Elle savait qu’elle ne pourrait faire grand-chose ainsi portée sur le dos de la future mariée. Cependant, elle était animée par la future satisfaction de se calmer sur d’innocents pingouins, maltraitance animale justifiée par son simple état de nerfs.

Neptune s'indiscipline:

Équipement et inventaire:

 

C y a l a n a

Seul l'étau du silence enserre sa gorge, tandis qu'elle déverse un flot de souffrance dont il n'était pas responsable.
Ou peut-être que si ? S'il avait été plus fort, il aurait pu la protéger, et éviter qu'elle subisse tout ça. Il la regardait avec une infinie tristesse, et douleur. Les yeux humides au possible.

Il jette un regard aux gradins, et la seconde d'après, un point fixe du sol.
La honte.
Le submerge.
Tout cela devant eux ; ca ne les regarde pas.
Et si quelqu'un le rapporte à Starlord.
Sourire amer qui aiguise les lèvres, écoeuré par le revers du destin.


Tout ce qu'il sait faire, c'est se reculer, sans rien dire. Crystal sait qu'ils sont liés, sinon elle s'épancherait pas sur lui, et quelque part, même si elle ne se souvient pas de lui, elle semble savoir pour eux et.
ça le rassure. Un tant soit peu.

Il serre le poing à s'en faire blanchir les phalanges. Ce Hunting Sport est terrible, et ses pensées nuisibles se dirigent toutes vers P.M. Plus il remue l'affaire, moins il comprend. Pourquoi souffrir ainsi. Pourquoi ne pas simplement travailler pour le compte de P.M. en échange de ressources au lieu de se foutre dessus ?

Seul le vent l'accueille désormais et cette absence de voix féminine le ramène à la réalité.
Hysteria regarde Crystal. Droit dans les yeux ; le coeur fendu une énième fois.

Que peut-il répondre à ça ? Le coup de la culpabilité s'abattait sur lui et il était perdu au summum.

L'arbitre siffle, neutre, et explique d'un signe de main que c'est terminé. Du balai, qu'il disait avec sa main.
Tu parles d'une victoire.
D'abord combattre Erin. Apprendre qu'elle s'était détestée depuis tout ce temps pour les doutes ressentis à son encontre. Puis constater que Lilith avait été complètement défaite par tout ça. Et enfin Crystal qui exposait sa souffrance.


Il se rapproche d'elle sur un coup de tête, vif, rapide. Il voulait la téléporter ailleurs, l'enlacer et lui dire ce qu'il avait sur le coeur.
PAS DEVANT LES AUTRES.

Mais il est épuisé mentalement ; il ne fait même pas attention à la petite bosse de terre, trébuchant légèrement. Ca l'arrête dans son élan.
Il la regarde et, finalement, il se téléporte, avec l'amer regret de ne pas lui avoir dit le fond de ses pensées.