THÈME – Se sentir semblable à une larve, être une loque humaine ; tourner maintes fois dans son lit sans réussir toutefois à trouver le sommeil. Carbone reluque sa prothèse sur sa table de chevet, ainsi que la missive de Dolly lui demandant de se pointer pour ce qui s'apparentait à “une soirée de folie”. L’écho qu’il en avait eu était toutefois bien différent ; une réunion avec les wild, là où un traître comme lui n’a clairement pas sa place. Depuis des années, il se sent à sa place ici, mais les événements qui lui reviennent parfois en mémoire au réveil ou lorsque Morphée vient le chercher, eux, le font douter quant à sa légitimité d’être à vos côtés.

Un profond soupir de lassitude s’échappe de ses lippes, alors que son dos quitte la surface moelleuse de son matelas, attrapant de son seul bras restant, celui qui lui sert de remplacement. La connectique aux nerfs lui fait pousser un râle de douleur interminable, le foutant à moitié dans le coaltar à nouveau. Carbone était doué pour broyer du noir, mais il était encore meilleur pour arborer des masques de faux-semblants, d’ancré un sourire solaire sur un faciès qui ne demande qu’à être bousillé par des phallanges, pour lui remettre les idées à l’endroit ((les souvenirs en place.))

Vérifiant que sa prothèse réagisse correctement, c’est avec lenteur que l’homme attrape sa guitare sèche, après avoir enfilé son long manteau rouge, des lunettes de soleils pour cacher ses cernes misérables. L’étui est hissé sur son dos avant de quitter la pièce, un paquet de clopes à moitié vide qu’il n’a jamais terminé enfoui dans la poche ; censé avoir arrêté de se niquer la santé depuis trois mois ; le voilà qui repart en cavale à la recherche de la faucheuse. Une mort lente et pitoyable.

Les pas le porte vers l’endroit convenu, les bruits qui s'échappent de la pièce alors que Carbone n’est pas encore entré, ne lui donne aucune foutu envie de pénétrer dans l’antre où tout semble déchanté. Il y a l’écho de rire, des vapeurs d’alcools, une sorte de concerto qu’aucun chef d’orchestre n’arrive à diriger, aux doux parfums de liberté et de légèreté. C’est un domaine dans lequel il n’excelle pas, c’est une tableau auquel aujourd’hui encore, l’homme ne s’habitue pas. Carbone sait qu’il ne vient pas d’ici, il a des réminiscences parfois, sur sa vie moisit au sein des Legendary ; les Wils c’était différent. Rien à voir avec la chaleur ressenti à leur contact malgré la solitude établie.

Semblable et pourtant, si discordant. La contradiction à son paroxysme.

Un profond soupir, une cigarette nichée aux coins des lèvres, qu’il allume d’un geste lent ; et voilà qu’il ouvre la porte et constate avec amusement, le panorama étrange qui s’offre à lui. Ne pas penser à ce qu’il a de toute façon oublié, ce soir Carbone allait se la coller, se retourner le cerveau et les méninges, pour mieux accepter la triste réalité. C’est la silhouette de Dolly qui lui apparaît en premier, ne cherchant pas plus loin, il s’approche d’un pas rapide, l’enlaçant par derrière en posant son menton sur le sommet de son crâne. Dolly, j’rêve pas, t’as commencée à faire la fête sans moi ? J’suis choqué et déçu. Son regard tombe sur December, puis sur Howlite un peu plus loin, mais son sourire ne quitte pas son faciès ; solaire en toute circonstance, telle est sa nouvelle devise.

Bon, j’ai pas bien compris, c’est un rassemblement pour une cohésion de groupe, où on est là pour se mettre une race si sévère qu’on aura oublié toutes nos conneries demain au réveil ? Carbone ne pouvait s’empêcher de parler de mémoire, de souvenirs, de réminiscences ; c’était un sujet complexe dont il connaissait malgré lui, tous les rouages. Attrapant un verre, la brûlure du whisky le fait soupirer d’aise et râler avec entrain. Y’a pas meilleure sensation que celle-là j’crois. La fumée s’échappe après sa gorgée, reluquant son étui à guitare du coin des yeux. Est-ce que notre cher souverain désire que je lui compose une sérénade du nom “d’un petit mot.” ? La blague était restée là, suspendue, mais bien ancrée dans sa cervelle fracassée.

Il lui fallait s'imbriquer dans cette atmosphère ; qu’importe comment, c’était un besoin vital ; bientôt palpable.