Tu as entendu la nouvelle. Tu sais qu'il est là et cela te rend fou de rage. Il se ramène ici. Il fait comme chez lui. Il.
Il était parti, en te laissant, en t'abandonnant, pratiquement sans un mot. Tu ne sais plus si il y avait eu un mot. Comme si un mot pouvait adoucir ce que tu ressentais. Déjà tu avais eu du mal pour ton frère, mais qu'un ami te fasse le même coup. Cela avait été insupportable.

Alors tu le cherches. Tu le trouveras, tu le sais. Au pire, tu camperais la cuisine, ou le couloir des chambres, ou pire, celui vers les douches.
Et là, dans ce couloir, tu aperçois une silhouette moins connue. Une chevelure qui éveille des souvenirs, comme la démarche, sans en avoir le coeur net. Et pourtant, tu sais. C'est lui. Il est devant toi, même s'il te tourne le dos.
Alors tu cours, tu le rattrapes. Arrivé à sa hauteur, tu t'arrêtes et tu le plaques au mur, la main sur son épaule et ton regard ancré dans le sien.

Bingo.

- Hey. Sunday. ça fait un bail, non ? Et tu reviens même pas me dire bonjour ? C'est pas un impoli, ça ?

Toi non plus, tu n'es pas vraiment un exemple de politesse en ce moment. Mais qui en a cure, à part peut-être lui, que tu maintiens ?

Il évite ton regard. Il utilise ton surnom. Il t'énerve encore plus qu'à l'accoutumée. Et pourtant, il n'est pas à l'aise. Tu le vois, tu le sens. Les muscles sont raides sous ta main. La déglutition n'est pas anodine. Et demander comment tu te portes est un moyen comme un autre d'essayer de faire passer la pilule. Sauf que cela t'agace encore plus.

- Comment je vais ? Je pète la forme. ça ne se voit pas ? Enfin, tu verrais peut-être mieux si tu me regardais en face ?! À moins que ton séjour chez les Vigilantes t'ai rendu tellement mou que ça t'a aveuglé de revenir parmi nous ?

Tu le relâches, parce que tu sais que tu peux le rattraper au besoin. Tu le fais aussi pour éviter de lui broyer potentiellement son épaule. Car maintenant que tu ne le tiens plus, tu serres les poings en croisant les bras, lui faisant toujours bien face.

- Comment tu oses m'appeler par mon surnom après tout ce temps ? Et faire comme si de rien n'était ? J'ai perdu un frère, puis j'ai perdu un ami. Je m'entoure que de traitres, apparemment. Pourquoi tu ne m'a rien dit ? Rien expliquer ?

C'est peut-être ça qui met le plus en colère. La sensation d'abandon. Sans explication.

Ne plus avoir l’habitude ? Tu pinces les lèvres. C’est pas vraiment comme si tu avais changé. Toujours la même couleur de cheveux, toujours la même coiffure, à peu près. Peut-être que tu avais grandi, pris en carrure, ou que qu’en sais-tu. Mais tu sais que ce ne sont que des excuses bidons.

Voilà enfin son regard posé sur toi. Ce que tu voulais, qu’il te regarde, qu’il voit ta colère et ton sentiment de trahison personnel. Car tu t’en fiches qu’il ait quitté les Legendary, même si maintenant tu ne devrais pas t’en moquer.

Une décision non prise à la légère. Au moins, tu comprends par là qu’il y avait mûrement réfléchi. Qu’il ne voulait peut-être pas t’impliquer dans une affaire que tu aurais pu arrêter ou dénoncer. Mais était-ce vraiment altruiste ? Mieux valait ne pas savoir.

Tu te radoucis un peu. Sur son épaule, ta main se fait moins pressante pour le tenir à sa place. Tu souffles un peu, en baissant la tête pour ne pas qu’il se ramasse ton souffle en pleine face. Puis tu relèves les yeux vers lui.

- Oui, c’est dur.

Parce qu’il n’y a pas que lui qui le subit. Mais c’est impossible d’aider tout le monde. Tu n’es pas psy.

- Pourquoi t’es revenu si tu le supportes pas ? Tu aurais pu vivre dehors, marchander avec les gens de ta faction, non ?

Tu le lâches et croises les bras devant lui.

- Je peux rien te promettre, mais je peux proposer un truc. La pression, c’est sur moi qu’elle retombera. Je demanderai aux supérieurs pour que tu sois sous ma responsabilité. T’auras juste l’interdiction de faire le moindre écart qui puisse me mettre dans la merde, mais ça te mettrait aussi dans la merde que tu acceptes ou non, donc ça ne change pas grand chose à ta vie.

Seulement à la tienne. On va croire que tu ouvres un refuge aux traîtres. Est-ce à cause d’aimer les animaux en danger ou à l'abandon et de vouloir les aider que tu fais cela ? On pourrait le croire.