Le silence est maître, dérangé seulement pas des courants d’airs s’amusant avec les pages ou encore les bruits de pas dans l’allée. Sekhmet, installée et isolée, laisse sa plume écrire sur sa feuille. Remplissant celle-ci de mots et de nouvelles, d’émotions et d’aveux qui seront à jamais tut.

Elle pense à eux, surtout parce qu’ils ne sont plus ensemble.
Une perte qu’elle accepte, mais qui a toujours son trou présent dans son cœur.
Certains pourtant qualifierais ça de perte de temps.

Au final, ses lettres ne sont jamais envoyées. Elles finissent brûlées et oubliées si ce n’est pas cachées au fond d’un tiroir dans sa chambre. Pourquoi les écrire si elles ne sont jamais lues ? Peut-être pour la soulager, pour s’imaginer comment ça serait si jamais il la lisait.

Son frère, Osiris.
Celui dont elle a été le plus proche, qui s’est inquiété, qui lui a donnée le plus d’attention.
Le plus regretté.

Pose sa plume, prunelles qui parcourent ses écrits avant de lâcher un soupir. C’est une brise qui passe au même instant, faisant voler le morceau de papier avant de le déposer aux pieds d’un jeune homme. Attention attirée par ce dernier, elle se lève alors qu’il récupère sa feuille.

Parlant alors sans oser la regarder.
Alors qu’elle se permet de le jauger.

« Bonjour… Inutile de t’excuser. »

Parce qu’il n’a pas tout lu, il n’en aurait pas le temps. L’indiscrétion est pardonnée, car elle-même possède le défaut de la curiosité. S’approche pour saisir son bien sans pour autant détourner les yeux. Détaillant cet inconnu qu’elle assimile à des dires qu’elle a entendus. Sans pour autant oser les vérifier de suite, c’est son petit sourire qui naît sur ses lippes quand elle reprend alors la parole.

« C’est une lettre qui lui est destinée. Mais elle finira certainement brûlée avant d’être envoyée. »

Triste vérité qu’elle devait avouer pour ne pas que des doutes puissent empoisonner les esprits sur sa loyauté.

« Est-ce que tu en écris aussi à la tienne ? »

Si ses doutes sont fondés, peut-être qu’il le fait.
Sinon sa question peut paraître bien stupide mais vu qu’il est montré indiscret, pourquoi ne pas lui rendre la pareille ?

Son regard suit son bras qui se cache dans son dos, remarquant la prothèse qui remplace la chair sans pour autant dire quoi que ce soit. Elle sait que ce monde peut se montrer cruel, que certains se voient perdre plus que leur dignité lors d’une défaite pendant les H.S

Cependant, elle ne s’attarde pas.
S’il le dissimule, c’est parce que cela doit le déranger.
Elle ne le connait pas encore pourtant elle devine déjà sa timidité.

Posant ses yeux sur ses mèches de cheveux qu’il a tout juste laissé tranquille après avoir joué nerveusement avec, attrapant ensuite son regard avec le sien quand il ose enfin le soutenir. Ses mots font de nouveau écho dans ses oreilles, elle ne peut que comprendre sa situation.

Pour être dans la même à cet instant.

« La mienne n’est pas ici non plus. J’imagine que cela se devine facilement si je leur écris une lettre. »

Peut-être le sait-il déjà.

« Les histoires de famille sont toujours compliquées. Pourtant, nous sommes liés par le sang et ce, pour le reste de notre vie. »

Ton posé, annonçant ces mots qui ne sont malheureusement qu’une vérité trop douloureuse à supporter. La famille ne se choisit pas.

Parfois, on la regrette.

« As-tu déjà essayé de leur écrire ? Sans rien envoyer mais s’exprimer sur son ressenti même avec des mots sur un papier, ça peut faire plus de bien que l’on imagine. »

C’est l’une des raisons qui la pousse à continuer malgré tout. Parce que le poids s’allège, même sans savoir la réponse qu’elle aurait.

Ses paroles sont empreint d’amertume, c’est la sensation qu’il donne alors qu’il laisse son avis se faire connaître. Je pense qu’on peut en être libre… Savoir ou non ce que je le ressens ne me servirai à rien… Mieux vaut couper les ponts et continuer sa route.

Il explique que la cause de son départ est sa famille.
Ceux avec qui il partage son sang.
Ceux qui l’ont vu naître et grandir un peu peut-être.

Pourtant, il semble tellement en colère contre eux.
Comme elle l’est avec sa mère.

« Sont-ils tous responsable de ton départ ? »

Regard inquisiteur, l’expression toujours amicale. Elle n’en veut pas à tout le monde, ce serait une erreur de mettre ses frères et sœurs dans le même panier que sa génitrice.

« Je ne regrette pas mon choix d’être partie, tes paroles sont bien culottées pour une conversation de tout juste quelques instants. »

Ses bras se croisent, sa lettre toujours dans sa main mais désormais en froissée dans son poing.

« Je sais juste qui est coupable et qui ne l’est pas. C’est une différence qu’il faut vite apprendre quand on veut qu’une justice soit équitablement mise en place. »

S’il en veut au monde, soit.
S’il veut laisser sa colère prendre le dessus sur sa raison et couper tous les liens qu’il a, grand bien lui fasse.
Cependant Sekhmet ne fera pas cette erreur.  

« Chacun a son propre vécu, si toute ta famille est responsable dans ce cas ta colère envers elle est méritée. »

Pause.

« Si tu la considères comme une entrave à ta liberté, tu as bien fait de partir. Mais ne néglige pas tes émotions simplement parce qu’elles sont inutiles. Si elles existent, c’est pour une raison. »

C’est une chose qu’elle a bien apprit depuis le temps.
Se comprendre, c’est déjà un premier pas vers l’avant.

Il n’avait pas sa place.
Ses yeux s’écarquillent, comprenant parfaitement ce qu’il veut dire.
Elle non plus, n’a pas sa place parmi eux.
Parmi ceux qui l’ont élevé, qui lui ont permis d’exister et l’ont aussi ignoré.

 « Ah mais… Attends ! »

Sourcils qui se froncent alors qu’elle le rattrape, se postant devant lui avec une expression plus neutre, regard concerné alors qu’il est fixé sur lui.

 « J’ai l’impression que c’est moi qui t’ai contrarié au final. Ce n’était pas mon intention. »

Lui bloquant le passage, il a beau être grand, elle ne paye pas de mine du haut de son mètre soixante. Nullement intimidée, ses bras se croisent tout en reprenant la parole.

 « … Je m’appelle Sekhmet. Je suis arrivée il n’y a pas longtemps et tout comme toi, ma famille n’est pas ici. »

Pause, visage qui se montre un peu plus doux.

 « La famille est un sujet compliqué. Pour commencer une discussion, ce n’est pas forcément l’idéal. »



Elle ne voulait pas le laisser partir aussi abruptement.
Pas avant d’avoir apaisé les tensions qui n’ont pas lieux d’être.

« Quel genre de livre t’intéresse ? »

S’il est ici, c’est bien pour une raison à la base non ?

Attentive à ses mots, ses yeux posés sur son visage quand il prend la parole. Il n’est pas bien plus grand qu’elle finalement, tout juste de quelques centimètres. Reste là, à écouter, quand il donne son nom.

Spring, printemps qu’on attend tous à la fin de l’hiver.
Même si elle ne craint nullement le froid ou la neige.
Au contraire, c’est amusant pour elle de regarder ce blanc fondre dans ses mains.

Il commence à répondre, pourtant ses mots prennent ensuite une autre direction. Faire semblant de s’intéresser à lui ?

« Je ne fais pas semblant de m’intéresser. Tu es curieux, je le suis autant. »

Sa prochaine question est légitime, c’est un petit rire qui s’échappe de ses lèvres. Nullement moqueur, non il a des nuances amer et triste. Ceux que l’on laisse exprimer pour ne pas que la rage le fasse à la place.

« Merci pour le compliment… Cependant ça n’a rien changé. Quand j’ai essayée. C’est pour ça que je suis partie. »

Sa mère qui ne l’a jamais écoutée ne tendrait pas l’oreille maintenant à ses pleurs. Elle a bien autre chose à faire, comme s’occuper des aînés. Ou bien de l’autre qui n’est même pas du même sang et qui a droit à ses regards et compliments. Mère indigne.

« Être lâche n’est pas forcément un défaut, c’est un trait qu’on les survivalistes quand ils sont face à des ennemis trop forts pour eux. C’est mal vu simplement parce qu’il fait ressortir l’individualité au lieu de la coopération en cas de danger. »

Et dans ce monde où les combats peuvent être n’importe comment et n’importe où, fuir est parfois la seule solution pour ne pas mourir. Elle-même choisir la vie plutôt qu’une mort stupide et sans valeur. Sa fin doit servir à quelque chose, à quelqu’un. Alors elle s’accrochera jusqu’à ce qu’elle accepte les bras de la faucheuse en fermant une dernière fois les yeux.

« Si je t’ai demandé ce que tu lisais, c’est simplement pour en apprendre plus. Sauf si… Ce n’est pas comme ça qu’on fait la conversation ? En voulant connaître son interlocuteur ? »

Ses sourcils se froncent tandis que l’interrogation se pose réellement sur son expression.
Comment est-ce que lui voit la socialisation ?

Ainsi, il était Vigilante auparavant. Yeux qui fixent sa prothèse au bras sans pour autant grimacer ou avoir une expression de pitié. Ça serait insulter sa perte, le courage qu’il a pu avoir au moins cette fois dans sa vie. Les Legendarys se veulent fort et digne, entouré d’honneur et de respect comme les meilleurs guerriers peuvent avoir dans les livres.

On lui a apprit à Sekhmet de toujours respecter le sacrifice que les autres ont fait.
Parce que c’est une preuve qu’ils ont combattus, qu’ils ont survécus. Qu’ils ont affrontés un adversaire à leur taille et qu’ils n’en sont ressortis que plus fort, que ce soit mentalement ou physiquement.

« Est-ce que tu regrettes ? »

D’avoir été courageux ?
D’avoir perdu ton bras ?

Il dit être scientifique, qu’on lui parle pour une raison. Les discussions ringardes et pour le plaisir lui sont inconnues parce qu’il ne se considère pas intéressant. Il accepte d’être utilisé pour son savoir, comme un objet plutôt qu’une personne.

Elle comprend ce qu’il veut dire.
Mais ça ne veut pas dire qu’elle l’accepte.

« Si c’est ainsi que tu te perçois, je ne dirais pas le contraire. Mais je serais la seule juge de mon point de vue te concernant. »

Ton léger, sourire qui vient de nouveau s’esquisser sur ses lèvres, sa tête se penche en le regardant. Nouvelle lueur remplie de curiosité.

« Je ne te forcerais pas à parler ni à avoir une conversation, j’ai bien compris que tu n’es pas à l’aise dans des interactions autre que lié à ton poste. Je reste pourtant curieuse car pour le peu que tu as dévoilé, il y a deux points que l’on partage. Et c’est déjà plus que la plupart des personnes ici. »

Elle ne dit pas qu’ils l’excluent, qu’ils la laissent de côté.
Mais elle ne peut pas dire qu’elle ne se sent pas incomprise, voir pas à sa place.

« Donc si tu l’acceptes, j’aimerais apprendre à te connaître Spring. Parce que si à tes yeux tu n’es pas intéressant, aux miens tu l’es. »

D'un mouvement, elle recule d'un pas, avant de lui tendre la main.
Comme le ferait deux personnes polies qui se présentent correctement.
Ou bien comme le ferait quelqu'un qui tente de faire connaissance.

Elle ne s’était pas attendue à un retour de sa part. Le changement, l’accepter, est un acte que les gens lâches ne font pas forcément. Parce qu’avoir sa zone de confort, c’est réconfortant. Cela ne veut pas dire qu’elle va laisser tomber. Au contraire, elle se permet encore de rigoler en baissant sa main.

Un jour, elle l’aurait.
C’est une promesse qu’elle se fait.

« Je te l’ai dis, je serais seule juge de mon point de vue te concernant. Je ne te blâmerais pas pour ta manière d’être. »

Parce qu’ils ont une vision différente, ce qu’il qualifie de « mauvaise personne » ne l’est peut-être pas pour elle. C’est un sourire qui s’agrandit quand il reprend la parole pour lui demander de le suivre, ayant au moins gagnée ce point. Se tourne, se place à côté de lui en le regardant.

« Je te suis, Spring. »

Il dit avoir regretté.
Elle se demande alors pourquoi il s’est montré brave, pourquoi il est allé contre sa nature si c’est pour avoir des remords sur son acte. Il dit n’avoir rien accompli, pourtant elle aimerait en savoir plus pour émettre un réel avis. Vu la confiance qu’il se porte, ça se trouve il ne voit juste pas ce qu’il a fait.

« Pour quelle raison est-ce que tu l’as perdu ? »

Elle demande, elle n’espère pas forcément une réponse. Qui ne tente rien n’a rien.

« Et sur quoi est-ce que tu travailles ? »

Le fixe, jusqu’à attraper son regard. Parce qu’il s’échappe, il n’a pas osé le soutenir depuis le début de leur rencontre. C’est pourtant un échange crucial, un moyen de déterminer ce que l’autre pense, de voir l’émotion sincère qui peut se refléter l’espace d’un instant.

Cela prouve qu’elle a son attention.