Elle frappe.
Toujours un peu plus, écraser ce sac comme s'il était la face du destin qui s'acharnait à lui refuser sa gloire.
Elle frappe.
La sueur perle sur son visage, mais l'effort reste continu. Elle repense aux duels de la semaine dernière. A toutes les failles de sa propre défense. A ses subordonnés qu'elle croyait si bien entraînés et tant d'entre eux qui avaient échoué face aux soldats de la protection de l’autorité royale. Un échec. Elle était un échec en tant que leader. Comment osait-elle aspirer au poste de Major, à la postérité, à la légende si elle ne pouvait pas mener ses troupes à une victoire écrasante à chaque fois?
Alors elle frappe.

Du mouvement dans sa salle de sport. Il n'est même pas six heures encore. Un autre matinal. Elle s'arrête un instant et le visage de leur meneur d'escouade apparaît. Elle aurait habituellement félicité de le voir si tôt à l’œuvre, mais elle ressent encore le goût amer de sa défaite des duels passés comme s'il s'agissait de son propre échec.

▬ Tu as perdu., dit-elle pour toute salutation, froidement, en s'essuyant le visage d'une serviette. Pas besoin de préciser sa pensée ou de donner le contexte. Il sait. Et elle sait qu'il sait. Elle serait d'autant plus déçue s'il ne savait pas à quoi elle faisait référence. Cela aurait voulu dire que la défaite lui importait peu.
Mais il était une légende, et les légendes n'oublient jamais leurs faiblesses.
Elle avait presque envie de d'excuser de e pas l'avoir rendu assez fort.
Mais elle était une légende, et les légendes n'avouent jamais leurs faiblesses.

Elle continua, lui faisant face cette fois-ci.

▬ Tu sais que le jour où je meure tu es celui qui devra prendre ma place. Et ne penses pas que cela soit une bienheureuse promotion. Un pas dans la hiérarchie est un pas de plus dans les ténèbres, un poids de plus dans le fardeau qui s'écrasent sur nos épaules. La faiblesse n'est pas permise, pas en public. Un caporal se doit d'être juste, inflexible mais aussi inébranlable. Si tu ploies face à de simples soldats, comment penses-tu que les hommes et les femmes qui te suivent te respecte?

Elle s'énerve, contre lui, contre elle, contre leur Major, contre l'IA elle-même. Elle attrape une claymore émoussée d'entraînement.

▬ Si tu veux regagner mon respect et prendre ma place un jour alors montre-moi ici et maintenant ce que tu vaux vraiment. Sors ton arme.

Il avait affronté Oblivion sans armes, et si certains pourraient trouver sa juste et galant de sa part, elle trouvait cela ridicule.

Qu'il donne tout ou on ne donne rien du tout.

Elle pouvait imaginer la fierté d'être surpassé. Elle pouvait imaginer la prétendre tout du moins. La vérité et qu'elle se sentirait usée, comme si son temps était désormais révolu, et que sa légende n'irait jamais plus loin qu'une vague mention de son nom dans la longue liste de tous les caporal ayant vécu avant elle.

▬ Quid de la fierté de ceux qui croyaient en toi?

Il y avait plus de tristesse dans le fonds de ses yeux que de déception, mais ses traits durs avalaient toutes ses émotions comme à leur habitude. Au final, peut-être était-elle juste amère qu'un subordonné de Heaven, élève de Lethal ai triomphé de son second. Mars n'était son élève en aucune capacité, même si elle le critiquait toujours allègrement "pour qu'il s'améliore". Mais il était celui qui avait été choisi pour être la personne sur laquelle elle se reposait, celui qui avait pris sa place en tant que meneur d'escouade, celui qu'elle emmenait avec elle dans les missions diplomatiques. Celui qu'elle regardait fièrement lorsqu'elle voyait leurs hommes baisser la tête timidement et obéir aux ordres devant cette masse de muscles grincheuse, en s'assurant bien qu'il ne le remarque jamais.

Non, il n'était ni son élève ni son subordonné. Il était son précieux successeur et son échec se reflétait sur elle bien de cette façon.

Mars sortit ses lames. Pas d'épée d'entraînement émoussée, de vraies lames. Peut-être était-il froissé. Peut-être avait-il simplement décidé d'honorer son souhait et de lui montrer ce qu'il valait vraiment, sans retenue ni pitié.

Quixote resta solide sur ses appuis, sa claymore a deux mains dressée devant elle. Deux tintements aigus retentirent alors qu'elle repoussa les attaques du meneur sur ses cuisses dans de rapides parades, et, cherchant à gagner de la distance et l'avantage d'une lame plus longue, tenta de le repousser d'un coup de pied haut fouetté. La technique avait marché contre Flower, il était temps de voir si leur meneur pouvait faire mieux.

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Elle la sent.
Dans chaque coup, chaque mot, chaque regard.
La rage. Celle qui vous prends aux os, celle qui vous ronge le cœur celle qui vous sort des boyaux.
La vélocité de sa lame bloque sans peine chaque attaque et elle sent pourtant sa défense trembler sous la force des coups, les lames de Mars la caressant malgré ses parades.

C'est la force de ceux qu'on a poussé trop fort. La force du désespoir. Elle entend chaque mot, elle voit le regard dans ses yeux, se prend à être surprise, et il lui semble pendant un moment que le temps se suspend, comme un mirage Mars lui semble disparaitre, et ses cris de solitude prennent un autre forme, celle d'une jeune fille aux cheveux blancs et noirs, une longue tresse dans le dos, les pupilles immanquablement écarlates. N'avait-elle pas pensé de telles choses jadis, devant le dos impassible d'un père trop peu sobre nous rappelant qu'on n'irait jamais nulle part.

Elle se tira soudainement de cet instant de flottement mélancolique, mais trop tard, Mars avait disparu de son champs de vision et la tenait désormais en otage. Quixote essaya de tirer son bras vers le bas et passer sa tête dans le creux de son bras en vain. Tenta de réfléchir à un faux souvenir à appliquer dans cette situation, mais son propre esprit trop embrumé par des pensées parasites ne put se décider convenablement.
Elle n'y avait jamais vraiment pensé, mais se demandait maintenant s'il la détestait.
Un souvenir de la Saint-Valentin lui revint en mémoire.
"C'est juste ma boss." avait-il dit, et bizarrement, elle n'avait jamais songé que cela était vraiment le cas.
Elle se pensait mentor, exemple.
Elle n'était personne.


ne dit plus qu’on puisse croire en moi.

Elle sentit quelque chose se casser, et elle relâcha toute la pression qu'elle exerçait pour tenir loin de sa gorge l'arme, laissa même tomber sa claymore sur le sol.
Non, elle n'avait pas donné sa défaite, mais sa propre colère commençait à monter également. Un enfant dans une fourmilière? Des fourmis?
Il semblait qu'elle avait eu une idée fausse sur Mars. Elle l'avait traité jusqu'à maintenant comme un bon combattant, ayant clairement de l'ambition, mais un homme compétent.

Mais Mars n'était pas un homme. Mars était un enfant trop grand qu'on avait oublié d'éduquer.
Elle ferma les yeux, inspira profondément, et dès que ses paupières s’ouvrirent elle pencha la tête pour frapper son front contre le sien, faisant riper la lame contre sa clavicule au passage, se moquant bien des dégâts qu'elle s'infligeait.

▬ J'EN AI RIEN A BRANLER DE TON AVIS OU DE TES DESILLSUIONS DE GRANDEURS., il était aussi inhabituel de l'entendre autant hausser la voix que d'utiliser un vocabulaire aussi châtié, Des fourmis? Vraiment? Réellement? C'est ainsi que tu nous vois? Moi? Jupiter? Nos frères et sœur d'armes tombés au combat? CONNERIES. Je t'ai vu porter des blessés à bout de bras. Et l'autre clampin que tu as sauvé d'une morte invisible? C'est comme ça que tu traites les fourmis? DES. CONNERIES. As-tu seulement écouté ce que j'ai dit? On est toujours seuls. Heaven est seul, Lethal est seul et même avec sa famille je suis sûre que la Reine est seule aussi. C'est le fardeau du pouvoir. Mais cette fourmilière dont tu parles ne sont pas des corps sur lesquels tu vas marcher mais ceux que tu vas porter. Parce que nous sommes ceux qui les traîneront à la victoire et à leur mort. Aucun d'entre eux ne croira en le vrai toi. Mais eux comme moi, croient au faux toi, et c'est déjà quelque chose. Ils seront tes hommes et tu seras leur pilier.

Elle souffla une seconde et le silence n'eût pas le temps de tomber.


▬ CEPENDANT, elle lui lança un regard, mais la dureté dans ses yeux avait disparu, pour laisser place à des sourcils arqués d'inquiètude.

▬ Tu es mon homme.

Alors laisses-moi être ton pilier.

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  Ses lames se laissent tomber sur le sol, et il s'approche à pas déterminés. Quixote recule d'un pas, le poing serré. Les paroles n'étaient qu'interlude, le conflit continuait. Bien. Au final, qu'importe ce qu'elle avait à dire, elle l'avait provoqué elle-même, et porterait le fardeau de l’assaut jusqu'à ce qu'il soit satisfait, elle vit ses mains s'approcher de son visage, pensant déjà à sa contre-attaque s'il cherchait à lui donnait un coup de tête, mais la poigne se fait douce, et la surprise interrompt son flux de pensées.

Son esprit se vide au contact trop chaud des lèvres sur les siennes. Elle recule d'un demi-pas, plus confuse que gênée ou en colère. Avait-elle dit quelque chose qui prêtait à ce point à la confusion? Quixote avait banni la romance de sa vie le jour où elle avait reçu son grade, également lassée de ses relations toujours trop éphémères. Elle ne nierait pas le fait que Mars était sans doute un charmant jeune homme, mais pour elle il était un meneur implacable et autoritaire. Il s'excuse, ayant visiblement agit sur le coup de quelque émotion qu'elle avait provoqué.

▬ Est-ce que ça va?

Quels tourments l'oppressaient à ce point pour justifier un comportement si erratique. Quixote baissa les yeux pensant à son propre comportement.

▬ Ne recommence jamais. J'imagine que le timing de cette conversation n'était pas idéal, et je mentirai si je disais que mon propre comportement était exemplaire et que je n'avais pas passé une partie de ma frustration sur toi. Mais ce que je dis reste vrai. Tu n'es pas devenu meneur parce que Lethal a fait une partie de fléchette avec des photos de nos hommes dessus pour décider de qui aurait le rôle. Alors ne dis plus jamais d'inepties comme quoi personne ne croit en toi. Nous ne sommes pas "gentils", nous ne donnons pas de responsabilités au hasard, et nous avons parcouru le même chemin que celui qui se trouve avant toi. La solitude guide chacun de nos pas, et parfois le Major m'allume une cigarette et cela est plus supportable. C'est tout le confort que je peux te donner, mais cela reste quelque chose.

Elle se rapprocha du meneur, serra le poing et lui donna une tape sur sa poitrine

▬ Tu manies tes lames avec adresse. Et tu m'as parfaitement coincée il y a un instant. Alors ne perd plus, c'est clair?

Et qu'il n'ose pas suggérer que ce "oblichose" était meilleur combattant qu'elle, ou elle allait vraiment s'énerver.