Quatre jours et trois heures.
Les yeux sont sur l’horloge de sa chambre, cernés et rougis de par le manque de sommeil et des larmes versées. Le premier jour a été passé en étant dans son lit. Le deuxième en travaillant sur ses futurs projets, le troisième au lit. Et ce quatrième commence en fixant le plafond sans savoir quoi faire.

Le cœur serré, la gorge et les yeux secs.

Elle devait lui parler, à Mars.
Mais pour lui dire quoi.
Elle l’a fui.

Elle a préférée courir que faire face.
Parce que c’est une lâche Jupiter.
Elle ne veut pas affronter les moments durs, elle préfère les nier et faire comme si de rien n’était.

Mais là, il s’agit de son frère.
Elle ne peut pas le laisser comme si ce n’était rien.
Elle ne peut pas…

D’un coup, elle se redresse pour prendre une douche. S’habiller et se coiffer. Avant d’aller vers la chambre de Mars, voir s’il était là. Puis en voyant que ce n’est pas le cas, elle va vers le terrain d’entraînement. Absent aussi. Alors elle cherche, puis finit par sortir du Q.G.

Sachant qu’il ne pouvait qu’être que là sinon.
Alors c’est sans surprise qu’elle l’aperçoit, allongé au sol plus loin avec seulement les étoiles pour l’observer. Hésitation, elle peut encore faire marche arrière et retourner dans sa chambre mais elle avance finalement, pour s’arrêter face à lui.

« … Moi non plus, je n’aurais jamais dû naître, pas vrai. Tu n’aurais pas eu tous ces soucis à cause de moi. »

Le regard fixe, une légère brise caressant sa tignasse de feu qui s’envole.

« Je ne fais que te causer des problèmes… C’est ma faute tout ça, Mars. »

Si elle n’était pas née…
Oui, sa vie aurait été meilleure.
Elle en est persuadée.

Elle ne bouge pas, sachant qu’elle mériterait son ignorance.
Si jamais il se levait et qu’il partait, elle ne ferait rien pour le retenir.
Parce que ça serait légitime de sa part.

Mais rien que de l’imaginer, elle sait qu’elle ne tiendrait pas.
Qu’elle se laisserait sûrement aller jusqu’à ce que l’ombre l’emporte.
Peut-être que l’assassin des Legendary la trouverait et lui apporterait une paix qui lui échapperait au moment où son frère lui tournera le dos.

Immobile telle une statue de verre, elle se laisse entraîner à son geste.
Tirée vers lui, ses yeux bleus aussi foncé que la nuit au-dessus de leurs têtes.

[…]

Ne bougeant plus, la tête sur son torse, écoutant ses paroles qu’elle sait pour changer de sujet.

« Je m’en souviens oui… On s’amusait à trouver des constellations. Au final, on finissait par en inventer parce qu’on ne les connaissait pas. »

C’était il y a longtemps.
Un temps d’innocence et de paix.
Un temps où les problèmes d’adultes ne les atteignaient pas.

Où rien n’importait plus que l’instant présent, sans penser aux lendemains ni à la semaine d’après.

Juste maintenant.

Quand il reprend la parole, elle a un frisson.
Elle sait que le sujet va tomber, elle a peur d’un coup.
Parce qu’elle sait que tout va changer. Qu’il va dire des choses qui vont lui faire peur.

Elle s’en veut d’être aussi lâche.
L’idée que Mars s’éloigne lui fait terriblement mal, mais…
Sourcils qui se froncent, elle ferme les yeux avec force en enfonçant sa tête sans son torse.

Comme si cela pouvait faire disparaître cette situation.

Il ne veut plus lui faire de mal.
Il veut être le grand-frère qu’elle aimerait qu’il soit.
Il ne veut plus qu’elle le fuit.
Il lui laissera plus de liberté.

Il va s’éloigner.

« Non… »

Elle ne veut pas qu’il la laisse, mais… Cela ne ferait qu’engendrer de la souffrance non ? Non… Non il ne comprend pas. Il ne sait pas pourquoi… Non. Non.

Son cœur se serre, sa gorge se sèche alors qu’elle se redresse.
Les yeux brillants.

« Non… Tu n’as pas compris… »

Elle ne peut pas le laisser dire ça, le laisser s’en aller pour n’être plus qu’une ombre dans sa vie. Non, elle veut qu’il soit présent comme avant mais… N’est-ce pas égoïste ?

« Si… Si j’ai fuis Mars… »

C’est mal Jupiter.

[…]

Il ne rajoute rien, à voir pour plus tard.
Hoche doucement la tête, essuyant ses larmes au passage en calmant sa respiration pour mieux contrôler ses émotions. Elle a tellement peur Jupiter.

Peur de tout perdre.
Comme si de base il ne lui restait plus grand-chose, uniquement des trésors à chérir.
Alors sans ses trésors là, elle ne serait plus rien.

Il change de sujet, lui demande ses projets et ses découvertes, si elle a des pistes sur les participants des H.S. Lui proposant de s’entraîner au passage.

Quelques secondes de plus sont nécessaire pour qu’elle reprenne ses esprits, sans pour autant oser le regarder. Quand lui a les yeux au ciel, elle a ses prunelles baissées sur ses mains.

« J’aimerais… Participer à l’enquête. Pour trouver celui qui… Enfin le tueur qui prend la vie des autres Legendarys. »

Parce qu’elle se sent si impuissante qu’elle en a peur de dormir la nuit.
Pour ne plus jamais se réveiller le lendemain.

« Je sais que c’est dangereux mais… J’aimerais pouvoir faire quelque chose. Des fois je me réveille la nuit et j’ai l’impression de voir une ombre à côté de mon lit… »

Léger rire.
Nerveux.

« Et oui je veux bien m’entraîner. Si tu le souhaites toujours. »

Elle en a besoin pour devenir forte.
Pour avoir moins peur.
Et être moins lâche surtout.

Elle sait que c’est dangereux mais elle ne changera pas d’avis.
Cette situation restera problématique tant qu’il y aura de l’inaction.
Elle écoute ce qu’il dit en hochant simplement la tête, contente de voir qu’il ne va pas l’empêcher d’agir. Mais au contraire, qu’il veut la soutenir.

Sa phrase pourtant lui serre le cœur, elle fronce les sourcils, s’apprête à parler mais se ravisse.
Non, elle ne peut pas…

Soupire.
Avant de se relever quand il le lui fait le geste.

S’étirer, retirer le surplus de vêtements et courir jusque là-bas… Elle regarde le point désigné, hoche doucement la tête. Avant de réfléchir à comment elle pourrait l’attaquer. Si elle arrive à le faire déjà.

« D’accord. »

Commence ses étirements au niveau de ses bras et jambes, ayant déjà vu son frère faire, puis retire son gros pull. Et le sous pull. Et le T-Shirt large pour ne rester qu’en débardeur. Si elle doit faire de l’exercice, le but c’est de faire en sorte de salir aussi le moins de vêtement possible.

Puis elle se tourne et commence la course.
Au début, ça allait sur les deux premiers mètres mais elle se rend vite compte qu’elle ne voit pas grand-chose. C’est donc sans surprise qu’elle glisse sur un rocher trop lisse. Ou une flaque, elle ne sait pas.

« … Ah ? »

Sa vision dérape, son corps n’est plus droit.
Et elle chute. Longtemps, en roulant sur elle-même, percutant quelques petits rochers sur le passage qui lui laisseront quelques bleus sur les bras.

C’est un allé simple jusqu’en bas de la colline.
Pas besoin d’entraînement quand la vie vous mets des bâtons dans les roues dès le début.

Elle l’entend, son sarcasme dans sa voix.
Moue sur son visage couvert de sa tignasse de feu, elle essaie d’évaluer où se situent les douleurs histoire de ne pas avoir non plus trop de mal à se relever.

Certaines naissent sur ses bras.
Puis aux jambes.
Et une dans le dos.

Grimace en entendant son frère courir à côté d’elle, nullement dans l’idée de l’aider. En même temps c’est normal, elle doit faire ça seule. Avec un soupir, elle se redresse donc en ramenant ses cheveux vers l’arrière puis elle se redresse.

Se lève en époussetant ses vêtements et se remet à courir, plus lentement cette fois. C’est en trottinant qu’elle suit son frère et qu’elle commence l’ascension de la plus grande colline. Doucement…

Doucement.

Avant que son pied ne rencontre un autre caillou / flaque / peu importe qui lui fait de nouveau perdre l’équilibre. Ne glissant pas jusqu’en bas cette fois, elle est juste… Blasée. Elle a envie de rentrer et de prendre un bain avant de s’enrouler dans ses draps.

Et dormir.
Ou dessiner.

C’est un beau programme ça.
Elle se relève, tâte un peu plus le terrain avant de recommencer la montée et c’est péniblement qu’elle arrive en haut, à côté de son frère, essoufflée.

« … Désolée, je suis pas douée… »

Expression coupable au visage, elle a un petit sourire tout de même.
Contente d’être arrivée en haut.

Se battre ?
Elle fronce les sourcils, réfléchissant à une manière de faire.
Comment… Comment se battre ?
Est-ce qu’elle a une chance contre son frère ? Lui qui est tellement habitué à faire face aux gens ? Ses sourcils se froncent sous la réflexion alors que la pluie comment à tomber, lui mouillant les cheveux et son débardeur.

C’est bien sa chance.

Pas le temps de penser plus que son frère passe à l’offensive. Elle ne comprend pas trop ce qu’il tente de faire mais a le réflexe de lever ses jambes pour reculer rapidement, ne voulant pas qu’il puisse la déséquilibrer.

Elle s’est assez mangée le sol pour la soirée.

« Je suis assez tombée Mars ! »

Fronce les sourcils, avant de faire un pas de côté pour essayer de lui donner un coup. Même si, en étant honnête, elle n’est même pas sûre de lui faire mal.
Ainsi, elle lève son poing pour essayer de l’atteindre.

Mais son pied glisse, se rattrapant de justesse mais loupant clairement son coup.
Clairement, elle n’est pas dans son élément.
Et la pluie n’avantage en rien cet entraînement.