Le ventre rond, le visage bouffi par des émotions carmins, elle pianote sur son ordinateur avec ardeur, s'étonne tout autant des erreurs que des fulgurances littéraires de ses étudiants. À ses côtés son époux, lui aussi professeur, promène ses yeux sur un viel ouvrage. De temps à autre, leurs regards se croisent, leur sourire illumine alors la pièce d'une douce chaleur : de cet amour dont suinte leurs histoire commune. Leur rencontre est étudiante et déterminera toute leur vie, c'est à deux qu'il obtiendront leur diplôme, c'est à deux qu'ils choisiront de ne jamais s'éloigner du lieu de leur rencontre. L'un se spécialisera en histoire antique, l'autre en théâtre tout aussi antique et c'est à deux qu'il se rendront les heureux responsables de deux nouvelles vies. Des vies jumelles que d'aucun aurait dû deviner tragique au son de leur patronyme : Phédre et Jocaste, les bien aimés. Et tout autant expert, les professeurs sont trop aimants pour deviner le sombre présage. Celui s'incarnera dans une seringue plantée dans le bras de maman, tout sourire. On lui avait promis guérison et vaccin, elle n'obtiendra que malheurs à venir... Pour le moment, personne ne s'en doute et les deux enfants naissent sous la joie et l'allégresse. Il ne faudra que quelques années pour que Maman disparaisse, sans un mot. "Il fallait qu'elle s'en aille, c'était bien son choix, oui" dira papa, sans autoriser ses chérubins à poser question. Et les années passent et l'absence assomme les êtres. Mais ce drame appartient à la petite enfance et sera, au fond, moins terrible que l'abominable jour de leur dix ans. Ce jour-ci, Jocaste se lève et constate l'absence de sa soeur dans le lit voisin. Il trouvera papa, tout aussi seul, dans le salon et lui sera annoncé un destin tragique qu'il n'aurait su imaginer : Phédre serait sortie ce matin, puis une moto l'aurait fauchée. Voilà. C'était comme ça, brusque. Et l'enfant, tabassé par la peine, ne saura questionner lorsque son père soupira dans une suite de murmures : "C'était la chose à faire, c'était la chose à faire...". Et les années passent et le deuil torture les êtres. C'est terrible mais on s'habitue au désespoir, on s'y complaît et on y grandit. Grandir pour Jocaste sera aisé. À l'école, le voilà entouré et papa le regarde de loin, l'air effrayé. Trop loin, sans doute pour que cette méfiance ne le change et surface, et de par sa bienveillance Jocaste -surnommé Joe avec les années- gagnent les coeurs. Populaire du collège au lycée, roi de ces petits mondes. Il lui faudra encore quelques-années pour aimer (son coeur en est si capable) les planches et l'art de jouer ; et papa, effrayé par cet amour si familier, qu'il s'éloignera encore. Trop, sans doute. À éviter le drame, on finit toujours pas le provoquer... Joe presque adulte, étudiant un texte, recherchant dans son foyer une âme pour répéter ; et papa de répliquer, qu'occupé il était. Alors, comme tout naturellement, Joe se tourna vers une silhouette évanescente. À 19 ans, avec cette naïveté propre aux jeunes âmes, il ne se posa nulle question alors qu'un être s'offrait à sa solitude. Son père, plus âgé, plus instruit et porteur des secrets de sa famille s'en inquiéta bien plus. Blême. Comme détruit par sa culpabilité traînante. Le voilà qui se saisissait de son téléphone et y pianota son terrible destin.... Celui-là même dont il avait était l'architecte.

Il y eut des jours d'errance passive. Individualité effacée, identité ravagée. Sa mémoire était pourtant là, vivace, pleine, vive. Il savait pour la guerre. Il se savait orphelin. Il connaissait si bien ce monde dans lequel, il errait. Pourtant l'étrange impression fantasque que quelque-chose lui manquait, ce sentiment dévorant de vide qui parsemait son être. Etait-ce cela la mélancolie ? La peur de grandir ? Il n'en savait au fond... Peu de choses. De temps à autre, Yin apparaissait et comblait ce vide si important. Elle était son amie, la seule amie qu'il s'était fait de son existence... Étrange. Mais qu'importe l'étrange quand on est Yang. Sa nouvelle errance ne dura qu'un temps et il rejoignit rapidement un cercle, un clan, une famille. Persuadé qu'il cherche ce qu'il ne saurait définir. Persuadé que ses rêves perdus, offriront à ce simple orphelin qu'il incarne, une famille perdue dans un monde que la mémoire efface. Pour oublier l'errance -pour ne pas y retomber plutôt- et par peur de la chasse, en vérité, Yang choisira contre l'avis de Yin, d'enseigner aux plus jeunes. Posant sa silhouette bienveillante sur les nombreux orphelins de ce monde... À personne ne vaut solitude.       

Ici Truite, 22 piges (bientôt 23, god) étudiant en com le jour, monteur audiovis' la nuit. Passionné de comédie musicales et de cinéma, et prgiste depuis quelques belles années maintenant. J'aime jouer des petits rayons de soleil comme Yang ici présent, j'espére qu'il vous plaira... Que dire du forum ? À part saluer son esthétisme et son attention aux petits détails (j'étais un peu paumé sur le contexte au début, mais ça va mieux). Hâte de tous vous découvrir et d'explorer ce monde avec vos persos ?