TW Mention d'Auto-Mutilation et de Maltraitance

" Zeus est morte. " Qu'ils disaient.
En effet, Zeus était morte.
L'âge, certains disaient. Un assassinat, supposaient d'autres.
Et pourtant, malgré toutes les rumeurs passant à propos d'elle, personne ne la pleure.
Pas son fils, bien trop occupé à s'occuper d'un nouveau-né.
Pas sa soeur, qui même malgré sa mort prématurée, n'aurait pas voulu d'elle dans sa vie ne serait-ce qu'une minute après l'avoir rencontrée.
Pas sa belle-fille, qui avait laissé derrière elle un père veuf et deux enfants sans mère après l'accouchement.
Pas sa belle-soeur, qu'on pensait incapable de lâcher une larme pour qui que ce soit d'autre que son amour mort.
Pas son mari. Pas ce traître l'ayant laissée seule à élever un enfant.
Pas son petit-enfant du même nom. Lui, n'en est pas capable.
Il a à peine 13 ans, il se sent détruit, comme en train de pourrir à la pensée que celle qui l'a élevé est désormais morte.
Il n'a personne.
Son père, sa mère, ont reconstruit une famille dans une faction rivale. Évidemment.
C'était Zeus qui les avaient chassés, elle espérait que cet enfant devienne fort comme elle l'était. Car le père ne se battait pas. La matriarche était déçue de voir quelqu'un avec un tel potentiel, quelqu'un avec le même don qu'elle, le gâcher dans une vie paisible en évitant le plus possible les épreuves maudites de Carcosa.
Alors elle a voulu élever son petit-enfant à sa façon. Soit la mort, soit le départ de la faction, les parents n'avaient pas grand choix.

Mais cette Zeus n'est plus.

Il renaquit dans un corps bien plus aigri et hostile que la grand-mère. Il renaquit dans une conscience torturée par l'abandon et la punition. Qui n'a rien connu d'autre. Qui a grandit en apprenant à utiliser ses émotions comme des armes. Et qui se bat jusqu'à en tomber, car c'est tout ce qu'il a jamais su faire.
Et lorsque son mentor perd la vie, lui se décide à continuer de suivre ses enseignements. En effet, son âge suffit pour rejoindre les carnages que représentent les Hunting Sports, et sans famille, personne ne l'arrêterait.
Peu importe lui importe le deuil, il refuse de le faire. Il évite, il se fait mal pour ne pas y penser. Il refuse de penser, et préfère regarder son reflet dans la lame du couteau. Il s'y perd jusqu'à ce que sa main bouge d'elle-même. Et c'est lorsque la coupe se fait, que le sang coule qu'il se sent à l'aise. La douleur a un goût acide, revigorant ces souvenirs de l'ancienne Zeus.

Mais il est simple d'arrêter un adolescent de 13 ans.
Et c'est lorsqu'il se prendra ces flèches, ces coups violent venant de participants sans pitié, qu'il comprendra.
Qu'il comprendra les coups donnés par sa grand-mère. Les coups dans l'estomac, qu'ils soient au poing, au pied ou au baton. Les jeûnes, où elle attendait que la faim fasse mal et le dévore de l'intérieur pour le laisser manger. Les heures de sommeils privées. Il venait de comprendre ses agissements, tout en passant à côté de la conclusion correcte. Il se disait, que c'était pour le préparer à tout ça. Pour redonner au nom de Zeus l'importance qu'il eût à l'époque de celle qui l'a élevé. Alors que tout ça était par pur égoïsme.

C'est un regard qui la ramènera sur terre.
Un regard inconnu, mais rempli de compassion.
Voir un enfant blessé de cette façon au milieu d'une boucherie, évidemment. Et qui s'attendrait à recevoir une décharge électrique à s'en évanouir après avoir souri à un enfant en détresse ?
Personne.
Zeus a cru à de la pitié venant d'un adversaire. Peut-être un piège.
Elle avait connu pire, bien pire que ses blessures actuelles, alors elle pouvait encore tenir.
Et elle a tenu face à la douleur. Elle a évité le combat, elle connaissait son objectif et s'y est tenue.
Et la voilà sur le retour avec ses camarades Wilds qui la disent courageuse pour son âge. Elle goûte aux félicitations pour la première fois. Et son coeur se réchauffe pour la première fois. Sentiment inconnu mais si agréable qu'elle se doit de tout faire pour le ressentir à nouveau.

À chaque occasion, elle participera. À chaque fois, elle sera blessée. À chaque épreuve, elle sera complimentée par ses compagnons. Un cercle vicieux duquel elle ne veut pas s'échapper.

Mais un dur rappel la frappera une fois arrivée à la majorité. Lorsqu'elle recevra à nouveau un regard de compassion en plein Hunting Sport. Un regard presque aimant. Elle ne comprend pas tout. Mais celui qui la regarde sait. Car Zeus lui ressemble. L'enfant qu'il a dû abandonner pour sauver sa propre vie. Et la Wild lui offre le même résultat que la première fois, une électrocution. Cette fois-ci beaucoup plus violente, ses entraînements ont payé.
Mais la stupéfaction en observant la suite d'action qui s'enchaîna.
L'homme n'avait pas une seule marque. Il semblait en parfaite santé.
On crie son nom.
" Spark ! Qu'est-que tu fous ?! "
Tout se remet en place, chaque pensée, chaque souvenir comme un flocon qui vient rejoindre doucement le tapis de neige douloureux qui se crée petit à petit dans la tête de Zeus. Mais les mécanismes à l'intérieur marchent d'eux même. Elle fera tout pour ne pas ressentir cette douleur. Ce poids qui lui donne l'impression de s'écrouler, comme écrasée.
Son instinct lui crie d'agir. D'empêcher ces pensées de corrompre les enseignements de la seule qui a daigné rester l'élever.
Alors par rage, elle abandonne son don. Et elle frappe. Coup de poing après coup de poing, le visage du Legendary se voit petit à petit déformé. Il vit encore, mais le sang coule et tâche leurs tenues. Evidemment qu'il ne ripostera pas, déjà qu'il ne supportait pas de blesser, alors lorsqu'il s'agit de son propre enfant, il n'y avait aucune chance.
L'assaut durera bien quelques secondes avant que le compagnon Legendary vienne en aide au fameux Spark.

Et maintenant, c'est à Zeus de recevoir coup après coup. Presque satisfaite. C'est un moment désagréable mais qu'elle se décide à apprécier. Cette douleur était un rappel de son enfance. Enfance que son père a ruiné par son absence. Il n'est pas le seul fautif, mais le ressentiment envers lui était bien trop fort. Elle l'aurait préféré mort. Découvrir une maladie l'empêchant d'élever un enfant, n'importe quoi. Mais pas le rencontrer par hasard en plein chaos. Le hasard souhaitant leur réunion, mais pas son père. Alors elle se laisse frapper. Cela la réjouit, elle n'aurait pas à le faire d'elle-même pour dégager ces pensées. Elle subit avec plaisir. Et pour la première fois de sa vie, elle sent l'humidité dans ses yeux devenir larmes pour couler le long de son visage et se mélanger au sang.

Elle gardera des séquelles de ce moment. Qu'elles soient mentales ou physiques. Son oeil droit n'est plus vraiment capable de voir autre chose qu'une bouillie de couleurs, et, refusant catégoriquement qu'on la touche pendant plusieurs semaines après cet évènement, celui-ci n'avait aucune chance de soigner. Quant à mentalement, ses émotions se contredisaient sans cesse dans un dialogue sourd.
Spark.
Elle voulait absolument le rencontrer.
Elle voulait rattraper le temps, tout lui expliquer et s'excuser.
Elle voulait le prendre dans ses bras, et fondre en larmes.

Compliqué, qu'il se dit.

Il lui faudra un an pour savoir quoi faire. Pour récupérer des informations sur Spark, pour savoir quoi dire, comment agir quand il sera face à lui.
Et il s'était enfin décidé.

Alors, avec une once d'espoir en lui, Zeus vole une nappe aux Wilds et l'attache au premier baton venu. Il le prend avec lui et se met en direction du territoire Legendary, drapeau de paix attaché dans le dos. Il va rencontrer son père.
En réalité, il s'apprêtait à vivre un de ses pires moments. Arrivé en territoire rouge, il est soulagé de voir qu'on accepte son entrevue en le voyant seul avec ce drapeau.
Mais Zeus prononça le nom de son père. Et l'ambiance changea du tout au tout.

" Spark est mort. " Qu'ils disaient.
Et en effet, il était mort.
Un assassinat.
Derrière lui il avait laissé deux enfants désormais orphelins.
Dans un dernier espoir, Zeus demande à propos de sa mère. Mais elle a connu le même destin, juste bien plus tôt.
Spark est mort, et personne ne le pleure.
Pas sa mère, qui n'aura pas la chance de le croiser dans le monde des morts.
Pas son père, éternel disparu depuis trop longtemps.
Pas sa femme, ayant laissé un vide sans fin dans sa vie.
Pas son fils, ignorant quant au sort de son père.
Pas Zeus, qui lui en veut. Qui lui en veut d'être mort avant de l'avoir rencontré. Qui lui en veut d'avoir refait sa vie sans penser à lui ne serait-ce qu'une seule seconde. Qui lui en veut.
Et ce soir là, Zeus pleurera, non en l'honneur de son père, mais en voyant qu'il eût perdu presque toute sa famille. En se rendant compte que la vie allait redevenir fade. Il se sentait trahi.

Alors il fait demi-tour. Il se perd en Carcosa, laissant sa monture vaguer à ses envies tandis qu'il supportait le poids de pensées sombres qu'il ne pensait plus jamais avoir. Alors il descend du cheval. Il tombe à genoux. Et il crie. Jusqu'à ce que sa voix s'irrite, se casse. Puis, l'électricité monte. Il se blesse, il laisse le choc l'envahir. La douleur est insupportable. Il n'eût jamais autant mal, il n'eût jamais utilisé autant son don auparavant. Son corps tremble et tremble alors qu'il pense que la pluie se joint à lui. Mais Zeus pleurait simplement à chaudes larmes. Et Zeus s'écroule, sanglotant.
Jamais n'avait il été si désespéré. Il était seul. Jamais ne s'était-t-il lâché comme ça auparavant, et le voilà à pleurer comme un enfant au milieu d'un territoire méconnu.
Il n'avait pas un seul proche resté vivant.
Il était


Enfin presque. Techniquement, il lui restait quelqu'un de sa famille. Quelqu'un dont sa grand-mère lui avait déjà vaguement parlé. En bien, comme en mal. Quelqu'un qui devait sûrement ne rien vouloir avec Zeus, mais cela ne l'empêchera pas de sécher ses larmes et de remonter maladroitement sur sa monture en direction de son domicile. Il remarque ses bras en remontant le cheval. Des marques. Des cicatrices. Les sentiments se mélangent. La honte, la fierté, la colère, le désespoir. Mais surtout, il est toujours frustré. Cela ne lui suffit pas. Il sait ce qu'il va faire.

Et en pleine nuit, Zeus débarquera comme une fleur en territoire ennemi, criant le nom de celle qu'il cherchait. Il le criera, criera et criera, en brandissant son drapeau blanc lorsqu'il croiserait d'autres membres de cette faction. Ses yeux toujours rouges, sa peau toujours abîmée, le manque de lumière aide à ne pas y porter attention. Et au bout d'un bon moment, la voilà.
L'empereur Vigilante en personne.
C'était la dernière personne vivante qu'il pouvait encore techniquement considérer comme sa famille. Et il le sait, sa famille est forte. Il en avait besoin, qu'il se disait. Comme une addiction. Comme de la poudre glissant dans ses veines, Zeus en avait encore et encore besoin. Et il lui fera comprendre bien vite lorsqu'il la provoque en duel d'une voix tremblante et clairement désemparée.
Sans avoir l'occasion de prononcer un mot de plus, une bouteille en verre s'éclate sur le crâne de la Wild. La confusion frappe alors, mais quelques clignements d'yeux font reprendre sa concentration à Zeus, qui frappe en retour, sans pouvoir. Ses coups sont mous, sa détermination n'est pas présente. Mais même si c'était le cas, le résultat de ce combat ne changerait pas. Il subit avec plaisir. Il subit et enfin, les idées s'envolent à chaque impact. Enfin, il a réussi à vaincre ces horribles pensées. Enfin il-...

Il tombe au sol. Une droite.
Elle ne se relèverait pas avant l'aube, avant de partir sans offrir ne serait-ce qu'un regard à la borgne.
Enfin, elle se sentait légère. Et c'est légère qu'elle rentre chez les Wilds.

Ce n'est pas légère qu'elle continuera sa vie, mais c'est légère qu'elle passera sa journée.