Ces jours éternels persistaient alors qu’ils défilaient sans avoir la possibilité de perdre son regard dans une nuit étoilée.
Essentia avait toujours été un tôt levé et même si les heures pouvaient en désorienter plus d’un, ce n’était pas son cas.
Le soigneur veillait à ce que ses yeux s’ouvrent au lever pour avoir le temps de s’occuper de ses biens aimés, ses plantes qui servaient à sauver vos vies et vu les jours futurs, ce n’était pas le moment de se laisser aller.

Les prochains hunting sport avaient été annoncés et dans quelques jours ils seront lancés. Pour une fois, Essentia n’avait pas été dans les premiers inscrits, des mots tournaient encore dans sa tête, son cœur se serrait.

Mais son entêtement l’emportait encore, une nouvelle fois ses doigts l’avaient inscrit dans ce danger sans pour autant en parler.
Pourquoi… ?

Parce que c’était lui le soigneur, celui capable de relever les autres trappers. Si la faction tombait, des têtes pouvaient suivre et Essentia se piégeait tout seul dans des pensées beaucoup trop poussées. Si la faction s’écroulait, ne serait-ce pas un autre moyen de te mettre en danger ?

Non, il ne voulait pas croire en votre mort, mais votre survie. Bien qu’étant inscrit, ses pensées avaient évolué et en dehors de toi, il ne donnerait pas sa vie à autrui. Mais les pensées et le moment présent…  Nos actions sont si différentes….

Ah…
Ce n’est pas le moment de se perdre dans cette confusion, ce qui était fait… Était fait et l’heure tournait.
Les bras s’étirent, son corps se déplie et ses pas l’emmènent en dehors de sa chambrée.

Il faut croire que ses yeux ne sont pas encore bien réveillés, car c’est dans quelqu’un que ses pas finissent par le faire rentrer.

« Oh, pardon ! » Souffla-t-il dans un rire un peu gêné avant de relever la tête et sûrement croiser ton regard.

…

Depuis quand n’avez-vous pas parlé ? Pour Essentia, cela ressemblait à une éternité et son âme avait peur d’avoir dit ou fait une bêtise ce jour-là. Car… Il avait cette désagréable sensation que… Tu l’évitais ? Son cœur se serrait…

« Edel ~! ça fait un moment que nos chemins ne se sont pas croisés. Je remercie nos destinées. ~ Comment vas-tu ? » Un sourire affiché, une odeur de jasmin s’échappe alors que le mimosa s’y mélange cachant celle de la rose.

Si tu savais comment tu m’as manqué…

Il ne fallut que quelques mots échangés pour que son cœur recommence à se serrer. Essentia te connaissait mieux que personne : quelque chose n’allait pas.
Oh qu’est-ce qu’il a peur de te demander ce qui est en train de se tramer, mais quelque chose lui fait encore plus peur : te perdre.

Il n’y eut que quelques secondes qui s’écoulèrent quand tu passas à côté de lui pour que sa main attrape la tienne, que dans un mouvement, sa présence se retrouve à nouveau devant toi, ses yeux plongés dans les tiens.

Oh l’odeur du mimosa se fait plus intense, il tente de ne pas le montrer, mais son cœur vient de doubler.

« Non, pas cette fois-ci, Edelweiss. » Un ton plus sérieux, ses yeux ne se détournent pas.
« Au lieu de m’éviter : parle-moi. Cette fois-ci, tu ne me glisseras pas entre les doigts. » Il est fou à quel point il arrive à contrôler sa voix alors qu’à l’intérieur, le stress est doucement en train de le ronger.

Si son corps ne parlait pas pour lui, rien ne pourrait le trahir.

Même si les mots pouvaient faire mal, l’ignorance était tout aussi capable de le briser. Alors, il s’était décidé et s’il devait t’enfermer dans une de vos deux chambres jusqu’à que tu daignes lui parler, alors… Il en était capable, ne le sous-estime surtout pas, car tu sais à quel point il pouvait être borné.

Il le savait que quelque chose n’allait, il l’avait senti, il te connaissait par cœur au fil des années. Ce n’est pas la première fois que cette situation se présente, un goût amer de ses premières hutings sport.

Son regard ne se détourne pas du tiens, seul l’attente de tes paroles fait résonner le silence avant que finalement, la raison tombe, ses yeux cendrés perdus dans le soleil des tiens.

Le muguet vint rapidement prendre possession de son être, son cœur se serre : il aurait voulu que tu ne vois jamais son nom d’inscrit, comme un désire de te le cacher, être le seul en danger.

Cependant, il y a des mots qu’Essentia n’acceptait pas, l’orange fait son chemin, se mélangeant au muguet dans une lutte pour savoir qui prendrait le dessus tellement elles devenaient fortes.

La culpabilité le ronge, la colère monte, un mélange qui n’était pas habituel pour le soigneur et à nouveau son cœur semblait vouloir s’échapper de sa poitrine.

« …Comment peux-tu dire que te mettre en danger est-ce que je veux ? » Réussit-il à articuler correctement, encore bouché-bée par cette phrase qui avait agit comme une flèche en plein cœur.
« On… On va parler. Mais pas ici. » Oh, c’était dur de ne pas exploser, mais Essentia savait assez se contenir pour ne pas faire une connerie irrécupérable.

Sans attendre ta réponse, il attrapa cette fois-ci ton avant-bras pour vous diriger dans sa chambre, loin d’une oreille qui pourrait vous faire couper la tête. Les plantes pourront attendre, il y avait plus important.

La porte refermée derrière vous, ton avant-bras lâché, ses yeux se plongèrent à nouveau dans les tiens, son cœur n’avait toujours pas fait son chemin.

« Edelweiss… II faut que tu essaies de me comprendre. Jamais je ne chercherais à te mettre en danger, c’est bien la dernière chose que je désire. » Il tente de se contenir, Essentia n’a pas l’habitude de ressentir… Ce sentiment.
« Je ne suis plus un enfant, je sais me défendre, je sais me battre et maitriser mon pouvoir. Tu crois que je me laisserais tuer par le premier venu ? Tu crois que je n’ai pas entendu ce que tu m’as dit la dernière fois ? Je ne mourrais pas, comme tu ne mourras pas. Au lieu de penser qu’on va forcément mourir, pourquoi tu ne crois pas… en nous ? » Le cèdre refait doucement apparition, mais les deux autres odeurs sont trop présentes pour le sentir.

Tu voulais qu’il parle, alors… Il va parler.

« Je suis soigneur, Edelweiss. Si je ne suis pas là, qui en sera pour soigner les nôtres ? S’ils tombent, les trappers tombent. Si les trappers tombent, tu tomberas également.. » Ses yeux continuent de se perdre dans les tiens.
« Et si tu tombes, je tomberai aussi… »

Tu te rappelles, cette dernière question qu’il t’avait posée ? Tu ne lui as jamais répondu et elle a continué le torturer de nombreux jours.
Parce que si tu lui avais répondu positivement, il aurait certainement…

Vous étiez coincés à cause de cette situation…

« Alors, ne redit jamais, jamais ! Que mon désires est de te mettre en danger, te prendre le risque de voir ta vie s’envoler ! » Sa voix s’élève un peu, il reprend son souffle, avant que ses mains viennent prendre ton visage en coupe.
« Parce que si je me bats, c’est avant tout pour toi… » Le muguet reprend le dessus, le cèdre un peu plus.

Parce qu’il tient à toi, parce qu’il veut continuer de te voir sourire, il ne veut pas voir votre univers s’écrouler. Mais vous êtes coincés ici, vous ne pouvez vous échapper.

Et à l’intérieur, il est rongé… Rongé par la culpabilité de ceux qu’il t’a arraché, ronger parce qu’il veut t’apporter un monde meilleur, celui qu’il t’a volé...