MUSIQUE — Partir sans se retourner, sans un mot, sans un regard en arrière ; pour trouver la force et le courage nécessaire, de ne pas changer d’avis. Il était parti sans dire au revoir à Dolly, à December, à Mist, à Moka, à Howlite, à Nothing, à Aion, à tous ces Wilds avec qui il avait tant partagé de temps ; sans un bruit, il s’était volatilisé. Il avait pris le strict nécessaire, rongé par la douleur, avait laissé sa chambre totalement retournée, mais il savait que le retour d’Hysteria impliquerait qu’il y passerait du temps. Quelques affaires, de quoi écrire, des vêtements de rechanges qui sont pour la plupart en lambeaux à présent ; voilà avec quoi l’homme était parti.

Des semaines étaient passées ; fuyard, échappant tant bien que mal aux rondes des Legendary, à ce corps armé qui cherche à interroger les traîtres ; doué pour se cacher sur un terrain qu’il a énormément exploré enfant et dont il se rappelle aujourd’hui sur le bout des doigts. La lutte contre les monstres, particulièrement les Hyènes aliénées, était éreintant au quotidien ; fuir le kraken d’autant plus. Quelle idée débile d’avoir établi son campement dans la forêt Wisteria… Il était persuadé en agissant ainsi Carbone, que personne ne viendrait l’y cherché, craignant la bête ; à la fois brillant, mais terriblement stupide.

La douleur dans son bras droit est vive lorsque les crocs de la bête s’y niche, mais la balle qu’il lui colle aussitôt entre les deux yeux est efficace. Le sang poisseux gicle, le reste de la meute s’enfuit, alors que Carbone constate sa déchéance. Bientôt, il aurait rendez-vous avec Comet, alors il se devait de se dépêcher. La bête est hissée sur son dos, la viande séchée ne devrait pas être un problème ; si tant est qu’il arrive à dérober une quantité faramineuse de sel ; un calvaire en somme. N’ayant pas le temps de se changer en repassant par son campement, l’homme se contente de se débarbouiller sommairement, de bander son bras après avoir désinfecté la plaie à sa manière et c’est dans un saut rapide qu’il descend de sa cabane dans les arbres.

Le chemin est fait rapidement, un chemin que le soldat chasseur connaît par coeur, longtemps arpenter dans l’adolescence et encore plus une fois adulte, Carbone prend place sur la plaine, avançant à taton, ses yeux aussi perçant qu’un aigle scrutant les environs. Son flingue est dégainé quand il discerne une silhouette, mais c’est en visant que le tireur d’élite se rend compte d’à qui appartient cette démarche altière. Comet. Un sourire en coin, alors que l’homme range son flingue dans son étui à sa jambe, avançant en scrutant toujours les environs. Si le roi des Wilds se faisait surprendre et attaquer ici, qui le saurait ? Une phrase qui fuse à son encontre, à laquelle l’homme de métal rétorque sans réfléchir. J’avais aucune raison de refuser l’entrevue, pas vrai ? Par contre, ce n’est pas très prudent, tu… Vous auriez dû venir avec une escorte, non ?

Les bras se croisent, sa plaie le lançant bien plus qu’il ne l’aurait imaginé, de quoi le faire grincer des dents, en avalant une pilule nutritive donnée une semaine plus tôt par Dolly. C’est avec lenteur qu’il se décide Carbone, à prendre place sur le sol, en tailleur comme à son habitude, retirant son manteau boueux et déchiré de parts en parts pour plus d’aise. Je risque pas d’oublier la terre qui m’a accueilli. Encore moins quand ma terre natale voulait m’voir crever la gueule ouverte. C’est dans un mouvement lent que l’homme dégaine sa dernière cigarette, l’allumant avec difficulté, le briquet n’ayant quasiment plus de gaz ; c’est en le secouant et en serrant le filtre de la cancerette entre ses dents, qu’il lâche. Et comme tu… Vous pouvez le voir, je survie, je suppose ? J’ai connu des jours meilleurs, mais je tiens bon.

La réalité était bien plus amère qu’il ne voulait bien le laisser croire ; mais Carbone n’avait aucune envie de passer pour un faiblard auprès de toi. Il ferait tout ce qui serait en son pouvoir pour survivre. Advienne que pourra. La cigarette est enfin allumée, c’est en inspirant longuement sur le filtre de la tige à cancer, que l’homme demande en expulsant le nuage de nicotine. Et à la maison, comment ça se passe ? Tout le monde tient le coup ? Le retour des… Autres, ça n’a pas trop chamboulé tout le monde ? Nos départs…. ? Il avait une vague idée de la réponse à cette question ; partir sans un bruit, sans rien dire, ça n’avait pas dû… Être bien vécu. Désolé d’être parti comme un voleur, j’ai trouvé ça plus simple… Pour tout le monde.

Et Carbone ne regretterait pas ce choix ; c'était la meilleure chose à faire ; pour Dolly, pour December, pour Mist, pour Howlite... Pour ces gens proches qui n'auraient sans doute pas supporter son départ.

MUSIQUE — Une présence qui en impose, c’est ce que tu lui inspires Comet ; t’es comme le calme après la tempête que rien n’arrête ; t’as cette prestance qui sidère, qui laisse un peu sur le carreau, mais surtout ; qui décontenance, qui interpelle. Carbone, il te regarde, la clope au bec, grattant les différentes plaies au travers du tissu de ce pull trop large, la tête un peu en vrac. L’homme écoute, imprime chaque sonorité de mots, se plonge dans le récit que tu lui exposes ; pas besoin d’escorte ? Ouais, que les gens disent ce qu’ils veulent, t’en avais autant dans la tête que dans le froc.

Du cran.

Y’a pas à dire, tu… Vous en imposez, j’suis admiratif et presque jaloux d’votre charisme. Carbone n’a pas l’esprit de leader, mais il a toujours été fasciné par ce genre de personne ; qui sont capable de prendre des décisions importantes sans se cacher derrière le postulat des sentiments. Subir les émotions n’est pas possible pour vous, pour les gens comme Hadès, Storm, toi ; il en a conscience, et surtout, il vous envie. Quand tu parles de son état, l’exilé ne peut s’empêcher d’avoir un léger mouvement de recul, honteux de son état miséreux pour toi qui te dresses de façon altière et princière ; comme si rien ne pouvait un jour te faire ployer.

T’es pas de ceux qui courbent l’échine Comet, pas vrai ?

Je crois que ça ne sert à rien de mentir ; non, c’est pas évident, mais j’ai connu pire. Des révélations, est-ce que c’était réellement le moment ? Peut-être, en effet, il était peut-être l’heure de tout sortir, de dire les choses comme elles viennent, comme l’honnête personne qu’il s’est toujours targué d’être. Alors quand il commence à vouloir s’ouvrir, il est très vite ramené à la réalité ; celui du sac de provision à tes pieds, que tu lui demandes de prendre avec lui. La mâchoire est serrée, il sait à quel point les denrées sont rares et qu’il faut les préserver. J’peux pas accepter, vous n'êtes pas le premier à m’avoir ramené quelque chose Comet, Dolly n’a pas pu s’en empêcher. Mais j’sais que les ressources pour les Wilds sont limitées, sans doute bien plus restreintes que celles des autres factions.

C’est pourquoi il volait les Legendary dès qu’il le pouvait, sans aucune forme de honte ; mais seulement quand cela était nécessaire. Fantôme du passé qui vient récupérer sa pension alimentaire auprès d’une marâtre qu’il ne peut pas qualifier de mère ; la déshonorer jusqu’au bout ? Sans doute ; il préfère le déshonneur que de vivre en enfer. Ses yeux aigue-marine se déposent sur la surface du sac ; conscient que tu n’allais très certainement pas lui laisser le choix, que t’avais pas fait tout ce chemin pour qu’il te refuse cette main tendue ; une main appréciable. Mais j’peux pas refuser non plus, pas alors que vous êtes venus ici seul et sans escorte ; ça m’rend heureux de voir que, malgré mon exil, j’suis pas considéré comme un traître..  

Vous auriez pu, tous autant que vous êtes, le rejeté pour ce départ rapide ; partir sans se retourner, sans émettre le moindre remerciement ; incapable d’affronter vos regards. Il se souvient Carbone, qu’à son arrivée, il ne faisait pas l’unanimité ; Hysteria et Dolly l’ont tout de suite pris sous leurs ailes, Napalm également ; mais il se rappelle de la haine de Pandore, de son soupçon à son égard. Douze ans à se ronger les sangs, à se demander s’il faisait réellement partie de cette faction adoptive qui lui a ouvert à la fois la porte, mais qui lui a surtout redonné goût à la vie. C’est toujours difficile, les départs, les arrivées, tant de choses à gérer, je n'sais pas comment vous faites pour ne pas flancher. Vous avez des épaules ; j’ai déjà du mal à porter mon propre poids ou celui de mes proches, alors une faction entière…

Une main sur la nuque qu’il masse, écrasant par la suite son filtre sous sa chaussure, plaçant le mégot dans sa poche pour éviter de laisser une trace de son passage dans la zone de ralliement ; Carbone attrape le sac et le hisse sur son épaule, reprenant ensuite une distance de sécurité, pour vous éviter à tout deux un contact ou des mots de têtes. Tutoyer c’est, euh. Ouais, je pense que tu l’auras remarqué, j’suis pas très doué avec la hiérarchie. Désolé. La vérité, c’est qu’il n’avait surtout pas eu le temps de se familiariser, encore trop habitué à l’ombre d’Hadès qui plane au-dessus de sa tête. Mais voilà, cet homme n’était plus, et son rôle aujourd’hui était prit par toi, alors il lui fallait à Carbone, vivre dans le présent, s’y ancrer. C’est noté, j’te tutoie à partir de maintenant, jusqu’à mon retour…

Quand il reviendra, s’il revient un jour, il sait que tout sera différent ; qu’il démontrera à tous qui il est.
Il s’appelle Carbone.
Et ce n’est pas un Legendary.
C’est un Wild.
Pas de naissance, mais de coeur.
Et il n’acceptera plus jamais qu’on remette cela en doute.

J’ai mentis aux Wilds pendant des années ; sur ma vie d’avant ; mais surtout pendant deux ans. J’avais perdu la mémoire, je l’avais dis à personne, seulement à Howlite, à Dolly, à Mist… Et à Hysteria. Un besoin d’être honnête, un besoin de prêter allégeance, de dire les choses pour ne pas se sentir encore coupable d’avoir été victime de sa vie misérable. Je te le dis aujourd’hui parce que je considère que c’est important ; oui, je suis capable de mentir dans les yeux des gens et de le faire avec un sourire à pleine dents. Les poings sont serrés tout comme sa mâchoire, mais sa détermination sans faille est intacte. Mais tu peux être certain d’une chose, ma loyauté envers les Wild est sans faille ; je sais que certains m’ont toujours vu comme un traître, que si j’avais trahi les Legendary, j’pourrais réitérer… Alors je te le clame haut et fort aujourd’hui. Devant toi. Je suis capable de tout pour les Wilds.

Tu peux te servir de lui Comet, tu peux lui demander ce que tu veux, il obéira sans broncher. La volonté de Carbone s’ancre dans le sol, dans les fondements de sa caboche ; hors de question qu’on le remette en cause là-dessus. Si t’as besoin que je chasse pour les Wilds, je peux le faire et vous livrer les bêtes à la lisière de la frontière, tu ordonnes et j’obéis.

Si t’as besoin qu’il joue un rôle, qu’il joue les espions, il est là, il est prêt. Je ne suis pas né Wild, je le suis devenu. Et je compte bien le rester.