Nostalgique d’une époque pas si lointaine,
Tu avais glissé dans cette salle que peu de personnes viennent explorer.
Après tout, qui s’emmerderait à venir regarder cette salle des trophées, ou bons nombres de vos exploits sont ici altérés ou figés dans le temps.
Les souvenirs.

A l’aube de cette guerre mortuaire, tu avais besoin de venir ici.
Car quelqu’un te manquait.
Depuis de nombreuses années maintenant, mais il avait toujours été une ombre dans ton passage.
A chaque pas, chaque décision, chaque pensée qui te disait que tu n’étais pas assez fort pour  la protéger, elle, sa fille chérie.

Tu te stoppes devant les trophées de ton père.
Levant la main, tu en caresses le bout, en ôtant la poussière par endroit.
Tu es songeur dans ce moment, perdu entre l’envie de les détruire pour ne plus jamais y voir une once de remords, et l’envie de pleurer pour ne plus avoir à être à la hauteur d’attentes irréalisables.

Oui, tes parents te manquaient.
Mais ils étaient morts.
Ils avaient laissés sur toi la responsabilité de ta soeur, de vos secrets, de sa santé mentale et physique.
Ils avaient laissés sur toi, une dizaine d’années, le soin de l’éducation de vos péchés et de votre accomplissement personnel.
Un abandon par la mort.
Tu étais faché, auprès d’eux, mais aussi, terriblement inquiets de finir comme eux...
Comme un simple trophée poussiéreux dans une salle où personne ne va jamais.

Tu baisses alors le regard et te laisses glisser contre le marbre du trophée, soupirant quand tes fesses touchent le sol.
Tu ne remarques même pas que quelqu’un rentre dans la pièce.

Tu hausses un sourcils devant ce sursaut.
Indigne de qui que ce soit, d’avoir peur comme ça.
Tu fronces les sourcils, avant de ricaner, moqueur.
Après tout, tu le voyais comme un gamin, malgré qu’il ait ton âge. Il ne pouvait pas s’agir d’un adulte dans ta tête, il était trop... enfantin.

“Je médite. Ca m’arrive aussi.”

Tu étais moqueur, mais étrangement calme dans ta voix. Tu ne voulais pas frontalement te poser ainsi, mais tu n’avais plus la force de te battre aujourd’hui. Voilà aussi que tu étais échoué devant les restes des vestiges de ta famille, ce qui donnait un indice de ta présence.

“Et toi, t’fais quoi ? Tu cherchais un endroit pour te parler à toi même...?”

Tu esquisses un sourire, cette fois-ci, amusé. Taquin, tu te demandais ce qu’il pourrait te répondre, et qui te ferais sortir de tes rêveries totalement pessimistes. Tu voyais en lui, à ce moment, un moyen de t’échapper de ce qui te torturais mentalement. Tu ne t’attendais pas à ce qu’il le comprenne, mais tu étais confiant sur le fait que, vu son caractère parfois trempé et borné, il arriverait à t’occuper suffisamment longtemps pour que les pensées soient éloignées. Etait-ce une manière pour toi de lui faire confiance avec sa connerie ? On pouvait dire ça. Tu continuais alors de le toiser avec défi, attendant qu’il fasse quelque chose qui t’énerves ou réagir, comme tu avais l’habitude venant de lui.

Tu fronces un peu les sourcils.
C’vraiment un compliment qu’il vient de te faire? Tu restes sceptique.
Tu te demandes s’il était pas ironique, pourtant, tu l’avais bien matté l’autre fois.

Cette fois, il te perd. Tu clignes des yeux.

“Un endroit... vert?”

C’était une couleur apaisante, pour lui, le vert? Il était décidément étrange ce petit bonhomme. Il avait beau avoir ton âge, tu le voyais comme s’il avait dix ans de moins parfois.

“...”

Tu détournes le regard vers le plafond de la pièce. Il n’a pas tord, mais...

“Ca garde les souvenirs de ceux qu’on a pas connu.”

Mais qu’on aurait peut-être aimé connaitre.
Maintenant, tu savais toute l’importance de ces phrases.
Tes parents te manquaient beaucoup.
Cette responsabilité aussi, que tu aurais pu léguer avant ta majorité. Cette insouciance qu’ils t’avaient volés.

Tu hausses les épaules à sa question.

“Je sais pas, t’es perché. Tu parlais qu’à ton frère avant, donc je suppose que maintenant, tu te parles tout seul. T’as pas d’amis non?”

Une question qui fache surement, qui blesse aussi, mais toi non plus, tu n’avais pas... beaucoup d’amis. En fait, tu n’en avais pas, avant de connaitre Lime. Il semblait te supporter pour une raison qui t’échappait grandement. Cela te fit froncer les sourcils d’ailleurs. Tu te demandais bien comment tu pouvais avoir un ami, tu étais imbuvable avec les gens. Le pire, c’est que tu en étais pleinement conscient.

De l’herbe ? L’individu se drogue-t-il ? Tu fronces les sourcils, suspicieux. Cependant, il semble parler plutôt de forêt et de bois, mais tu restes sur tes gardes face à ses paroles. Si jamais il toucherait ne serait-ce qu’à une petite substance de cette chose, tu viendrais toi-même lui régler son compte. Il ne faudrait pas qu’il soit un poids pour les autres, surtout maintenant que tu comptais... peut-être un peu plus sur lui, pour l’avenir, qui sait.

Les gouzis. Quelle idée enfantine, mais remarque, cela collait bien personnage qu’il semblait être pour le moment. De ce que tu en connaissais et de ce qu’il te laissait découvrir de lui aussi. Pour une fois que le discours n’était pas pleins de sarcasme, ou de combats.

«Hm. Des héros de notre faction, oui. Mes parents...»

Présumés. Mais pouvais-tu réellement lui parler de ça ? Après tout, tu n’en savais rien avant quelques temps. Peut-être que c’était ainsi que la vie était faite. Peut-être que tu ne pouvais pas faire les choses autrement que de les cacher sans jamais te confier. Tu inspires alors et passes une main dans tes cheveux.

Tu esquisses un sourire quand il parle des «autres personnes» à qui il parle. Pour toi, c’était des conneries. Tout le monde sait que seul son frère comptait, et qu’il était prêt à faire n’importe quoi pour lui, d’ailleurs... même des bruits de paliers commençaient à grimper. Le savait-il ? Tout se sait. Malheureusement, les bonnes comme les moins bonnes choses. Rien n’est infondé, surtout pas dans les rumeurs de couloirs, mais tu n’étais pas ici pour lui faire une quelconque remarque sur ses fréquentations.

Tu hausses alors les épaules, résignés.

«Parce que je ne suis pas là pour me faire des amis. Je suis là pour vous diriger, en aucun cas venir boire et faire la fête avec vous. Clairement pas. Cela ne m’intéresse pas.»

Ce n’est qu’à moitié vraie. Surement qu’une part de toi, dans un autre univers, aurait fait la fête et serait beaucoup moins coincé... ou trauma. Mais ça, c’était une autre histoire.