Tandis que je m’afférais dans les pièces de vie de la forteresse, une personne vint me trouver pour m’évoquer une visite inattendue. Une représentante des Wilds se présentait au devant du QG pour faire suite à l’alliance récemment signée avec sa faction. À l’expression du messager, je comprenais que cette venue ne s’était précédée d’aucune annonce, de quoi prendre de court les gardes à l’entrée. Consciente des coutumes sauvages de ces individus, je ne m’en étonnais guère. Si je m’en inquiétais ? Sans doute un peu, car je craignais de trouver devant moi une brute.

Demandant plus de précision sur la personne s’aventurant sur nos territoires, j’appris que c’était une femme. Et dans les bousculements qui agitaient le reste de mes compères, il s’imposait qu’une personne l’accueille. Pour cette mission, une caporale ferait bien l’affaire. Quant au lieu qui conviendrait le mieux pour une discussion… Anticipant que cette trêve ne s’éterniserait pas au-delà des prochains Hunting Sports, je me dis qu’il ne serait pas sage de lui laisser estimer les failles défensives de notre forteresse. Pour cette raison, je décida que notre terrain de rencontre serait cette forêt tordue où je m’entraîna avec mes compagnons dans mes jeunes années.

Un espace qu’il ne me faisait pas plaisir de retrouver, mais je préférais cela aux dangers du marécage boisé et du champs des Gingko. Après tout, je ne pouvais pas accorder trop librement ma confiance à cette étrangère dont j’ignorais encore les intentions.

Le temps des préparatifs, je m’apprêtais comme à mes habitudes, vêtue d’une robe en soie d’un blanc éclatant qui découvrait le haut de mon buste. Autour de mon cou, un ruban rouge soutenant mon vêtement en croix. Le rouge de cinabre sur mes lèvres rehaussait le rubis de mes prunelles. Enfin, j’attachais les ailes de papillon sur le sommet de mon crâne avec une esthétique donnant à mes cheveux de jais l’apparence de longs rideaux tombant jusqu’à mes cuisses.

Arrivée sur place, je perdais mes iris dans cet environnement mortifère duquel ne restait plus que des ruines de ce qui dut être autrefois une forêt tranquille. Le regard mélancolique, mon esprit me torturait de réminiscences joyeuses partagées avec des amitiés disparues. Ensemble, nous avions gagné en force. Mais seule, j’avais survécu. Et comme pour étreindre plus fort cette métaphore, je discernais le développement d’une mousse timide sur l’écorce des arbres morts. Un paysage qui renaissait lentement de ses cendres, comme ce cœur brisé qui battait doucement dans ma poitrine.

Tardivement, je remarquais qu’une silhouette m’avait rejointe. Et sitôt, l’ombre de ma tristesse s’évanouissait dans le vernis d’un sourire bienveillant. Au contraire de cette forêt tordue, je pouvais feindre de n’avoir jamais brûlé. Fallait-il y voir une malédiction ou une bénédiction ? Du bois sec pouvait craindre de se dévoiler à l’étincelle de feu s’éclairant à proximité. Mais dans le même temps, une graine assoiffée pouvait espérer qu’une goutte d’eau vienne libérer son potentiel.

– Êtes-vous une goutte ou une étincelle ?

Mes questions fantaisistes avaient de quoi déconcerter. Pour autant, même si les calculs politiques faisaient préférer l’artificiel des formalités, cette inhumanité m’angoissait trop pour ne pas tenter de créer une réaction que cette IA n’aurait pas anticipé dans ses scénarios cyniques. Parfois, il ne suffisait que d’une goutte ou d’une étincelle.