Tandis que sa poigne est ferme contre son cou, l’homme pose ses doigts fins sur son visage. Et il le fait de manière bien trop douce au vu de la situation dans laquelle il se trouve.
Ça le révulse.

Son sourire disparaît, serre la mâchoire, fronce les sourcils.
De sa seconde main, il écarte d’un geste sec son bras, rompant ce contact incommodant.
Mais il ne le lâche pas pour autant.

Il ne comprend pas cette expression sur son visage, il ne sait pas la lire. Et ses paroles finissent d’installer cette confusion dans son esprit. La surprise se lit un instant sur son visage avant que la colère ne revienne, coupée à ce sentiment si étrange qui lui prend les tripes.
Beau ? Ça n’a pas de sens. C’est une abomination, rien d’autre.
Alors il resserre encore ses doigts autour de sa prise, soutient son regard.
Mais il ne peut plus.
Serre les dents plus fort encore, à s’en briser les os, avant de le jeter sur le sol de cette pièce bien trop étroite.

Sa respiration est plus forte, plus profonde. Car ses émotions sont trop fortes pour lui. Les restes de son cœur ne peuvent les contenir. Rage, colère, confusion, haine, dégout. Tout se bouscule, s’entremêle. Alors il pose la main sur sa poitrine et la resserre. C’est trop lourd.
Un pas en arrière, son regard est dirigé vers la porte, à l’opposé du roi qui se trouvait au sol.
Faites qu’elle s’ouvre.
Inspire profondément, cherche de l’air.
Ça n’a pas de sens.
Il n’a rien à faire là.

Cherche toujours de l’air tandis que le Roi se rattrape, s’époussette, se grandit.
Tourne brusquement la tête vers ce dernier lorsqu’il reprend la parole, une étincelle de colère dans les yeux, ne lâche pas sa poitrine.

Et que croit-il ? Que c’est à lui de fixer les limites alors que dans cette pièce, il le domine ?
Pourtant c’est bien son souffle à lui qui peine à l’oxygéner, son coeur à lui qui est bien trop lourd, son esprit à lui qui est perdu. De la sincérité ? Non. Il n’y croyait pas vraiment. Il ne comprenait juste rien. Non, rien du tout.

Et le revoilà qui parle par énigme. Du moins, c’est ainsi qu’il percevait ses paroles. Sa haine est dirigée envers tous ceux qui n’ont pas su lui tendre la main; c'est-à-dire tous sauf les Wilds. Et il ne pouvait pas la contrôler. Quelle attraction ? De quoi est-ce qu’il parle ? Qu’est ce que c’est censé vouloir dire ?

Épouvantable. Voilà qui lui correspond déjà mieux. Voilà qui semble plus crédible. Mais l’aimer pour ça..? Il ne savait même pas réellement ce que ça voulait dire, aimer. Mais ça semblait positif en principe. Alors comment pouvait-on l’aimer, lui ? Ce monstre, cette erreur de la nature ?
La mort. C’est tout ce qu’il sait apporter. Tuer. Détruire. Anéantir. Alors, oui. Mille fois oui. C’est ce qu’il pense. C’est ce qu’il constate. Une main tendue ne peut qu’être détruite quand lui n’est pas prêt. Il l’était pour les Wilds mais ne l’a jamais été avant. Et l’une d'entre elles en a fait les frais.

Alors il serre la mâchoire. Comment pouvait-il dire ces choses le plus simplement du monde ? Comment pouvait-il rouvrir ces fissures dans son cœur avec autant de facilité ?

- Tu ne sais rien de moi.

Froid. Sec.
Il voulait le tenir à distance.
Arrête de parler. Tais toi. Laisse moi.
Ne supporte plus ses paroles. Ne veut plus les entendre. Ne veut pas qu’il continue.
Car ses mots sont trop justes.

ça lui prend aux trippes, ça lui serre le coeur, ça tambourine dans sa poitrine, ça se mélange dans sa tête, ça tend chacun de ses muscles, tire chacun de ses nerfs, fait remonter en lui tant de sentiments oubliés, tant d'émotions qu'il aurait voulu mettre de côté, ne jamais retrouver.

Charmant ??!
C'est bien le dernier adjectif qu'il aurait utilisé pour décrire cette scène, pour le décrire lui-même. Mais qui est ce type ? Souveraine des Trapers parait-il mais inconscient, complètement dérangé, fou à lier. Serre les dents, fronce les sourcils tandis que ses iris furieux sont rivés sur... ce fauve. La sensation désagréable d'être chassé, de vouloir fuir sous peine d'être brisé. Quelle horreur. Il en a honte, il en a peur, car il ne veut pas être lâche. La lâcheté, ça le répugne. Au moins autant que la pitié.

Ne prononce pas mon nom, arrête toi là, ne continue pas.
Pourquoi ? Pourquoi voulait-il le voir s'emporter ? Et pourquoi était-ce si simple pour lui de le pousser à bout ?
Il ne peut pas lutter, ne sait déjà pas habituellement se contrôler. Et là... Il aurait déjà détruit chacun des murs de cette cage, réduit à néant chaque brique de ces murailles en perdant le contrôle. Si seulement son alter avait été actif, il aurait pu... Il aurait pu en avoir la possibilité. Seulement cela serait revenu à prendre la fuite et ça, ce n'est pas envisageable, pas pour lui. Cette lâcheté ne lui ressemble pas. Pourtant tout devient trop lourd, trop insupportable pour sa poitrine. Les os de sa cage toracique menacent de se briser à tout moment sous les mots aiguisés de ce vautour.

Mais au final... Même lui est perdu, même lui ne semble pas savoir ce qu'il veut voir. Il lui demande de parler de lui et prétend ensuite n'en avoir rien à faire. Sont-ce la les paroles de l'empereur de cette faction censée être la plus avisée ?
Il ne comprend pas sa témérité ni même son intérêt pour lui... Mais ça suffit.

- Et tu penses que je n'y ai pas pensé ? Tu penses que je n'ai pas souhaité tout détruire, réduire cet enclos à néant ? Je ne peux pas. Ou bien il ne resterait déjà plus rien de cette cage.

Et encore cet adjectif qui ne saurait lui correspondre...
Et jouir..? Mais encore des énigmes, toujours des enigmes. Il n'a vraiment pas la moindre idée du sens de ce mot, mais visiblement, son interlocuteur ne semble pas le comprendre.

- Mais je ne veux pas fuir, je ne suis pas lâche.

Inspire profondément avant d'expulser entièrement cet air vicié qui occupait ses poumons. Inspire à nouveau tout en se redressant, tentant de reprendre contenance devant son interlocuteur.

- Maintenant dis moi. Pourquoi ? Pourquoi cet intérêt pour moi ?

Parce qu'il en a assez d'être perdu, assez de s'emporter. Il a besoin de savoir, il a besoin de comprendre.

La puissance ? Un rire glacé lui échape alors que ses iris pourpre sont plongés dans ses yeux. La lâcheté est bien synonyme de faiblesse mais ne pas l'être est-il suffisant pour être considéré comme puissant ? Certainement pas.

- Parce que tu me considères puissant ?

Un sourire carnassier, tout ça est risible, absurde. Il y aspire, à la puissance, au contrôle, mais n'a encore rien touché de tout cela. Il se bat, survit, donne tout ce qu'il a pour s'accrocher au rien qu'est sa vie. Et pourtant, lui ne se considère pas comme puissant, ne se considère pas du tout d'ailleurs.

Et il se rapproche encore, son sourire disparaît, il serre les dents, serre les poings. Tente de rester stoïque devant tous ces sentiments étranges que lui provoque cet homme. Et les mots qu'il prononce... La rage monte en lui. Une confirmation des plus agréables, il est bel et bien un monstre. Abomination engendrée par la douleur ou bien abomination depuis toujours ? Aucune importance. Il oeuvre sa vengeance sans se demander d'ou provient le mal qu'il fait, ni même s'il apprécie le causer. Tout ce qu'il cherche c'est à se soulager du poids qui écrase sa poitrine, qui l'empêche de remplir ses poumons de cet air salvateur, qui le baillone jusqu'à ce qu'il ne puisse plus émettre un son.

Mais alors qu'il s'apprête à exprimer sa colère par ses mots, une main se glisse sur sa joue et la surprise marque son faciès. Ecarquille les yeux tandis que son visage se rapproche du sien. Perd quasiment l'équilibre lorsque ses lèvres touchent les siennes. Et un moment passe avant qu'il ne réalise ce qui venait d'arriver. Ses joues rougissent et il s'éloigne de lui autant qu'il le peut, jusqu'à toucher la porte une nouvelle fois, posant sa main sur sa bouche en réflexe.

Complètement déboussolé, fixe le sol dans un de ses moments d'absence si caractéristiques. Sa main reste figée contre ses lèvres, essayant encore désespérément de comprendre le sens de ce contact. Et il peine à respirer, gonfle furieusement sa poitrine d'un air qui ne saurait l'oxygéner, passe sa seconde main dans son cou, y enfonçant ses ongles dans l'espoir de revenir à lui. En vain.

Et pourtant une partie de lui lui implore de se reprendre, de ne pas montrer cette vulnérabilité, encore moins à cette reine. Elle qui n'attend que ça, elle qui jubile de le voir troublé comme elle l'a si bien dit. Alors il lutte Thanatos, il serre les dents et mène ce combat éternel au sein de son esprit, à l'abri de ces grenats qui le hantent.