Un courrier inattendu était venu jusqu'à moi, il y a deux jours. J'avais été sceptique. J'avais pesé le pour et le contre. Entre le "besoin" de moi ? Alors que je ne suis qu'un médecin... Le fait de rester muet sur cette lettre et ce moment, demander à un gradé de confiance et de tout aussi discret de m'accompagner... Le souvenir de la nuit de trêve, c'est que ce n'était rien de défavorable. Ou alors, un piège. Mais... Cela serait trop gros. Était-ce bien de se fier à quelqu'un après une seule longue nuit passée ensemble ? Pourquoi fallait-il garder le secret ? Qu'y avait-il bien qui demandait de telles mesures ? Et surtout entre les legendary et les vigilante ?

J'avais donc gambergé longtemps. Et au final, je n'avais prévenu que Kairos qui avait accepté de venir avec moi.
Nous nous sommes rendu jusqu'ici, proche de la frontière. Les épées géantes permettaient de garder l'entre-vue plus discrète, de se cacher d'une personne qui aurait suivi l'un ou l'autre groupe. Encore fallait-il retrouver nos interlocuteurs de la nuit. Ce qui ne tarda pas.

Je reconnu la chevelure rousse et les oreilles (si douces) que le clair de lune rendait visible. La personne qui l'accompagnait... Je me souvenais d'elle aussi, brièvement, rendez-vous presque manqué de la saint-valentin.

Une fois que tout le monde fut rassemblé, j'ouvris la bouche le premier pour m'exprimer.


- Bonsoir. Je suis donc venu accompagné, comme tu me l'as demandé, Mars, par une des mes supérieures.

Je me retournais alors vers Kairos.

- Kairos, je te présente Mars. Et si ma mémoire est bonne, voici Quixote.

Mes mains gantées indiquaient les personnes en même temps. Je me stoppais ensuite pour fixer les deux legendary tour à tour. Il en était assez des secrets.

- Maintenant que nous sommes réunis, est-ce que l'on peut savoir ce qui provoque cette rencontre ?

Si Mars n'avait rien dit par message, c'est que c'était sur un sujet délicat. C'est bien pour cela que je n'avais pas insisté et que je n'avais pas demandé ce qu'il en était par pigeon.

Quixote avait menti.
Cela ne m'étonne pas. Je l'avais déjà senti à la saint-Valentin, Mars m'ayant confié qu'il était dans la partie de sa faction s'occupant des Hunting Sports et elle-même ayant dit être sa supérieure. Néanmoins, j'avais maintenant en tête le grade exacte de chacun d'entre eux.

Je gardais mon attention sur la caporale des Legendary et mes oreilles tendues vers son discours. Cela n'est pas facile, puisque je sens sur moi le regard de regard de Mars, persistant et tenace. Finalement, je lui accord un coup d'oeil furtif. C'est bien plus qu'un simple regard tenace, il me dévore des yeux, tant que cela pourrait en devenir gênant. Je m'efforce à maintenir un air détaché.

Mais cet air s'efface aux dire de la jeune femme qui exposait les raisons de leur présence. Je fronce les sourcils.

- Excusez-moi d'intervenir, mais... Vous venez donc nous trouver uniquement pour un cas similaire ? Un seul ? Cela tient plus du hasard, non ?

Un seul cas n'est pas suffisant pour faire un lien crédible qui pourrait faire penser qu'il s'agit du même tueur. Il y avait là quelque chose qui clochait. Je pinçais les lèvres en réfléchissant à la situation.

- Mais si mon humble avis à un poids, je vous accorde qu'il est meilleur de collaborer. J'aurai aimé examiné votre victime, pour m'assurer des parallèles.

Je marquais une pause d'hésitation avant de reprendre.

- Ainsi que ses effets personnels.

Je doute qu'ils aient pris avec eux le cadavre d'un meurtre ou même les effets de celui-ci. Cela implique d'aller sur leur territoire. Ou qu'ils t'apportent dans une zone sans danger ce que tu demandes pour 'enquêter'.

Ils étaient venu jusqu'ici en quête d'indices. Cela me faisait penser que la situation était bien plus importante, bien plus grave, que ce que Quixote avait laissé paraitre, tout comme son hésitation l'avait également trahie. Je m'avance sans doute, mais ils avaient peut-être déjà extrait une sorte de "méthodologie" du criminel.

- ...Est-ce que par hasard, vous avez déjà mis le doigt sur un modus operandi dont vous pourriez nous parler ?

Elle semblait certaine de ce qu'elle avançait. Je ne souhaitais pas rendre la rencontre insupportable ni même gêner de futures potentielles opportunités pour nos factions avec mon discours et ma recherche d'informations.
L'entente actuelle devait perdurer.
Ainsi je pince les lèvres, mais je garde le silence sur mes questions semblants "dérangeantes". Elle cachait des informations, mais au vu de la sensibilité du sujet, je pouvais comprendre et prendre sur moi.

Je hochais la tête lorsqu'elle ne fut pas contre le fait que je puisse diagnostiquer la victime. J'aurai aimé ne pas avoir à faire avec un autre legendary qui allait très certainement à nouveau garder les détails clés pour lui... mais... C'est mieux que rien.

Je m'étais perdu dans la contemplation du sol et de la poussière, la réflexion étant en cours, mais également un moyen pour essayer d'éviter le regard de Mars. Je l'avais senti plus 'hostile' qu'au début.
Mais lorsque Quixote mentionna le fait d'avoir un témoin je redressais la tête et posais mes yeux sur elle. Je fus encore plus interloqué quand elle précisa sa présence.
Mon regard se tourna vers Mars, cherchant le sien, entre soudaine inquiétude et analyse de son état.
Quand ? Où ? Comment ?
Si c'était avant la saint-valentin, il avait eu le temps de s'en remettre. Si c'était après... C'était bien plus récent.
Et pourquoi je m'inquiète soudainement pour un individu que je ne rencontre que pour la deuxième fois ?

Je croisais les bras, l'écoutant attentivement, notant mentalement ce qu'il racontait. Un alter tranchant, peut-être de type filaire, rapide et efficace.

- Était-ce il y a longtemps ? Il n'y a eu que cette victime lors de l'attaque ? Est-ce que toi et les autres avez été blessé ?

Surtout lui ?
J'ai envie de taire le flot de questions qui me traversaient.

- Il y a là comme une incohérence. Ce n'est pas une critique envers vous, je tiens à le dire. Mais... Il ne fait pas de témoins et soudainement il y en a. Si c'était au début, cela peut marquer un manque de précision de la part de l'individu. Si c'était récent, cela marque plutôt une prise confiance énorme, mais avec laquelle il pourrait faire plus facilement des erreurs. Si il a changé de territoire pour faire ses meurtres après ce moment, cela donne également une autre indication.

Ou alors il avait une cible bien précise et c'était le seul moment opportun pour l'éliminer.
Une chose est sûre, ce n'est pas un démon. Les démons n'existaient pas.

- Merci pour ce témoignage.

Je n'arrivais pas à lui sourire au vu de la gravité de la discussion.
Mon regard passait de Mars à Quixote, puis d'elle à lui.

- Je doute que vous soyez venu nous voir uniquement pour nous transmettre quelques informations et un témoignage. Et qu'à l'heure actuelle, nous sommes moins riches en informations que vous, puisque nous n'avons eu qu'un cas de genre. Par conséquent, j'aimerai savoir : qu'attendez-vous de cette possible collaboration ?

Parce que ici et maintenant, il est impossible de donner plus sans en avoir

Seul face à deux personnes d'une faction adverse... J'espère silencieusement que la major reviendrai vite de son affaire urgente, mais il y avait du avoir quelque chose de plus grave qu'une simple rencontre... Mais je garde mon sang froid et mes pensées tournées vers cette histoire de meurtres macabres. Et puis, Mars et Quixote étaient venus en paix. Tout irait bien.

D'autant plus que j'ai réussi à tirer les vers du nez de la caporale legendary. Elle avoue enfin à demi-mots que l'attaque n'était pas la première. Et sans doute pas la dernière vu que nous nous trouvions tous ici.

- Je comprends votre retenue, oui. Et j'espère que vous excuserez la mienne également.

J'esquisse un maigre sourire contrit. Dévoiler ses faiblesses est toujours difficile. Montrer qu'on ne contrôle pas tout également. Il m'est déjà assez pénible de savoir que l'information avait fuité jusque chez eux pour seulement un crime. Un seul. La rumeur est comme une trainée de poudre incontrôlable. Et les oreilles à l'affût d'informations, surtout lorsqu'elles savent quelles informations elles veulent, sont un véritable fléau.Toutefois, dans le cas présent, si entente il peut y avoir, cela pourrait constituer une force contre un ennemi commun.

- Les informations que vous nous avez apporté coïncide avec les nôtres. Donc oui, des fils tranchants me semblent possible pour la victime qu'il y a eu sur mon territoire.

Cela signifie donc qu'il y aurait collaboration. Je devrai en informer les têtes pensantes de la faction. Je sais que je ne dois pas prendre trop d'initiative, mais trop rester sur la réserve est également risquer. Pourquoi est-ce que je me retrouvais dans ce dilemme... ?

J'ai écouté Quixote et sa condition principale. J'ai écouté Mars qui affirme qu'il l'aurait eu. Qu'il n'a pas peur de mourir. Et je me sens ridicule d'avoir eu peur pour lui après qu'il affirme cela sans ciller en me regardant. Pourquoi je me soucie de lui, sérieusement ? Je maintiens son regard quelques instants avant de détourner le mien.

Mettre mes sentiments et mes émotions de côté.
Ce n'est pas le moment de me relâcher.

Je tourne la tête pour observer les épées géantes qui nous surplombe.
C'est un instant de réflexion. Trouver les mots, ordonner ma pensée.
Puis je les regarde à nouveau, avec un visage sérieux.

- Actuellement, je ne peux rien vous apporter, car je ne suis qu'un médecin. Il ne m'appartient pas de prendre des décisions aussi importantes. En revanche, j'accepte de servir de messager, de prévenir mes supérieurs et de plaider pour cette collaboration. Car je ne peux accepter que des vies soient arrachées par un meurtrier de cette manière.

Quelle que soit la faction, les victimes n'avaient à tomber de la sorte. Les villageois n'ont pas à payer le prix du sang pour le plaisir d'un fou sanguinaire.

- Je prends le risque de m'avancer, mais je pense que votre condition sera acceptée. Si il est acceptable qu'un observateur puisse être témoin de cette justice rendue, ... quoique, la rumeur fait fait aussi son œuvre...

J'ai l'impression de marcher sur des oeufs.
Je pousse un soupir.

- Ce que je vais dire maintenant n'engage que moi et non pas ma faction. Mais j'accepte de vous communiquer les informations relatives aux meurtres, que ce soit les déplacements ou de nouveaux éléments que j'aurai en ma possession, tant que cela ne nuit pas à ma faction et tant que vous me partagez également vos informations. En ce moment précis, je ne peux rien vous dire de plus, puisqu'il n'y a eu qu'un crime sur le territoire.

Les déplacements sont importants. Ils peuvent avoir une logique ou pas du tout, mais en voyant l'ensemble, peut-être y aura-t-il moyen de prévoir un lieu où un crime pourrait se commettre. C'est une possibilité.

Je pose ensuite mon regard sur Mars, l'ancrant dans le sien.

- Je réitère ma demande. S'il est possible que je puisse être en contact avec des objets que les victimes portaient, tenaient, se battaient avec au moment-même de l'attaque... Cela pourrait nous aider.

Je n'avais jamais parlé ouvertement de mon alter à Mars. Mais je savais qu'il avait fait un lien la soirée de la saint valentin, quand il m'avait posé la question pour mes gants.
À cette pensée, je serrais mes mains l'une dans l'autre.
L'idée même de revivre ce moment me terrifiait. Mais si c'est pour un bien commun... je pouvais faire face à mes peurs. Du moins, le pensais-je présentement.

De Mars, mes yeux se posent sur Quixote.
Je ne voulais pas le dévisager trop longtemps.
Je ne voulais pas que mes émotions prennent le pas sur moi.
Et je serrais un peu plus mes mains qui se tenaient.

- C'est malheureusement tout ce que je peux vous offrir à mon échelle. Je vous communiquerai aussi rapidement que possible ce que mes supérieurs décident.

Parce que, comme je leur ai dit... Je ne suis que médecin.

Hochement de tête positif envers Quixote. Je redoute un peu le moment où j'irai voir mes supérieurs, j'entends déjà les remontrances, mais.... C'est un détail. Tout ce qu'on pouvait faire maintenant, c'était attendre, malheureusement. Mais je ferai au plus vite. Cela était sûr et certain.
Elle te donne une dernière information, relativement importante pour le bon maintien des frontières, même si les vôtres ne sont pas directes.

- Merci pour l'information, je veillerai à le communiquer également, pour éviter tout esprit de s'échauffer.

Elle s'en va alors et je me détends. C'est la fin. Je vais pouvoir rentrer, je vais pouvoir préparer mon discours, je vais pouvoir souffler.... Mais pas tout de suite. Je prie déjà pour que demain, ou dans quelques heures du moins, les vigilantes ne se blessent pas et me laissent une journée tranquille.
Mais rapidement, je mets tout mes tracas à venir en pause.
Car Mars ne bouge pas.
Mars est toujours là.
Je pose mon regard sur lui et j'esquisse enfin un sourire à son encontre. Je suis attristé de la brièveté de notre échange. Je soutiens son attention sans faillir.

- À bientôt, rentre bien.

Les mots sont prononcés plus bas et d'une manière moins formelle que le reste de l'échange, comme pour rester dans une bulle invisible où seulement lui et moi serions. Il avait dit "à bientôt". J'avais confirmé avec le même mot.
J'ai la sensation de redevenir un adolescent. C'est incroyablement déstabilisant et plaisant. Alors qu'il se détourne, je l'observe rejoindre sa chef et attend qu'ils s'éloignent, avant de faire de même.

La nuit fut longue et elle n'est pas finie.