A chaque fois que ses yeux se posaient sur la multitude de noms écrits du mémorial, Quixote se rappelait toujours avec effroi qu'elle n'en connaissait pas la moitié. Il y avait en elle ce mélange de peur, celle de ne pas en avoir fait assez pour mériter sa place parmi ces illustres champions, et celle de savoir que même se trouver à leur côté n'assure en rien le souvenir et la postérité. Un nom, rien que ça, parmi tant d'autres qu'on oubliera tout aussi vite.

N'y avait-il donc aucun raccourci à l'immortalité de la mémoire ?

Quelques mètres derrière elle, son escorte, composé d'un chasseur vétéran impatient, croisait les bras en soufflant de la buée par la bouche, comme pour tenter de signaler poliment qu'il faisait froid et qu'il avait hâte de rentrer. Les températures étaient souvent plus ardues par ici et Quixote pouvait comprendre ce début d'impatience, mais elle n'avait pas fini ses hommages aux morts. Elle avait parfois l'impression d'être la seule à le faire encore, rendre hommage, à ceux qu'elle avait perdu comme à ceux dont elle avait prit la vie.
Tous disaient que cela ne servait à rien, pire encore, qu'avoir des habitudes est dangereux.
Mais même si cela ne servait rien, cela la rassurait, comme si le faire lui donnait l'assurance que quelqu'un l’honorerait à son tour quand son heure viendrait.

Peut-être devrait-elle écrire des vers à ce propos.

Elle réfléchit.

Là où reposent les champions...

Non. "Champion" était dur à rimer. Le seul mot auquel elle pouvait penser qui rimait avec champion était "morpion" ou "infection".
Pour une pseudo-poète, elle n'avait pas toujours beaucoup de vocabulaire.  Et puis elle n'aimait pas les octosyllabes, de toute manière.

Là où reposent les forts...

Oui, cela sonnait mieux. Maintenant il fallait une rime "en "or". Elle se tourna vers son escorte.

▬ Qu'est-ce qui rime avec "fort" ?

Apparemment, mort.

Deux mots sombres qui percent le silence.
Deux sentences sombres glacées qui sonnent comme le glas d'une horloge qui tourne.
Qui décompte vos heures.

Tic
Tac

Un corps sur le sol qui tombe lourdement, cherchant à inspirer un air qui ne vient pas.

Tic
Tac

Un cri du nom du défunt, dans une voix qui ne sort pas, ses mots dépourvus d'air se meurent sur ses lèvres et se perdent dans le silence.

Tic
Tac

Reprendre sa posture. Clarifier son esprit. Elle n'avait jamais été la plus forte, la meilleure combattante ou même la plus rapide, bien que sa vitesse soit souvent objet de louange. Et pourtant elle était caporale. Parce qu'elle avait survécu, là où tant d'autres étaient tombés.
Elle était celle qui endure.
Elle était celle dont la vivacité d'esprit avait remporté des victoires.
Elle était celle qui avait su s'inventer héroïne même née sans talent.

Tic
Tac

Alors endure, Quixote.
Alors prend tes décisions rapidement et fais-les compter.
Et survis un jour de plus.

  Elle pris sur elle pour encaisser son asphyxie et la douleur dans sa poitrine et analysa la situation. Chaque alter avait ses limites et celui-là ne ferait pas exception. Il allait falloir les trouver, mais d'abord, parer l'attaque. Elle n'avait pas le temps de sortir son épée de son fourreau avant qu'elle ne soit à portée de ses dagues, alors elle agrippa la lourde cape qui lui faisait office de manteau et l'ôta pour le lancer entre elle et son agresseur afin de lui faire manquer son attaque.

Tic
Tac

Une pierre tombale à sa gauche, en mauvais état. Elle tenta d'en frapper la partie supérieure qui s'effritait du reste de la structure pour l'envoyer sur l'inconnu, tout en préparant sa fuite. D'abord elle prendrait de la distance, voir si son alter avait ou non une limite géographique.
Puis elle attaquerait.

Tic
Tac

Et ils verront alors combien de temps l'horloge peut encore compter.

[dé célérité et dé force (kick) pour se barrer loin et mettre pas mal de distance ici www  ]

Elle avait toujours été du genre rapide.
Mais son souffle, absent, la retient, la pénalise, la tire vers l'arrière.
Endure. Endure.
Elle l'entend se rapprocher.
(encore un peu)
Il s'essouffle aussi, mais moins vite qu'elle
(toujours plus de souffle que rien)
Et la rattrape.
Face à face.
Elle endure,encore un peu.
Le visage stoïque. Comme s'il n'avait rien fait. Comme s'il n'y avait pas de danger. Comme si ses tempes ne tambourinaient pas dans sa tête pour lui crier que sa gorge avait besoin d'air.
Comme si rien.

Et de l'air, enfin.

Et là encore elle e laisse rien paraître. Pas de grande gorgée d'air. Elle inspire et remplit ses poumons le plus doucement possible. Comme si la force inarrêtable qu'était Nothing venait de rencontrer un objet inébranlable pour la première fois.
Elle ne cligne même pas des yeux devant la dague qui flirte avec sa gorge.
Aucune peur.
Coquille vide.
Elle agrippe la lame de sa main gantée, la tient avec force mais ne cherche pas à la bouger. La soie se déchire et des perles de sang viennent empourprer le sol alors qu'elle donne sa réponse, presque solennelle.

▬ Je cours pour me remettre en position convenablement car un pleutre essaie de me poignarder dans le dos.

Elle porta son autre main à son fourreau dans le même temps.

▬ Vraiment, boy, un grand garçon comme toi aurait peur de m'affronter en face ?

Prend l'appât.
Accepte le défi.

Elle voit son regard.
L'honneur n'appartient qu'aux hommes.
Ce n'est pas un homme.
C'est une machine.
Ce n'est rien du tout.

Alors dans la seconde de battement et d'hésitation elle sort son épée, dans un coup ample, mais rapide, visant son abdomen.

[dé charisme echec critique (il l'a probablement vu se vomir dessus à la st valentin) et attaque gg ici www  ]

Et à la fin de l'envoi, je touche.
La dague dérapa le long de sa main mais le mouvement d'esquive du soldat lui permis à elle-même d'éviter de gros dommages.
Au corps-à-corps, la lame la plus longue l'emporte.
Et les Legendary avaient toujours les plus longues lames.
Elle regarde son adversaire saigner. Une blessure encore trop superficielle pour que ses tripes ne viennent danser sur le sol comme des serpents, mais trop profonde pour être simplement ignorée.
Il lui faudrait devenir encore plus rapide, plus précise, plus forte.
Elle sent le désespoir de la rage lorsqu'il se jette sur elle, mais une blessure à la main ne l'empêche pas d'éviter un assaut prévisible.
Elle posa son regard sur lui.
Il n'y avait ni haine, ni dédain dans son attitude. Ni plaisir de combattre, ni euphorie d'être encore en vie. Elle le regarde désolée. Compatissante. Toute idiote qu'elle l'était, pour un ennemi qui avait attenté à sa vie, et presque réussi, à un ennemi qui avait attenté à son escorte.
Mais la caporale des Legendary n'aimait pas le sang, ni la violence, à l'instar de certains de ses homologues d'autres factions.
Quixote était, dans toute sa dureté, une personne douce.
Elle le voit qui refuse de ployer le genou, qui semble s'accrocher à la vie.


Mais elle n'avait pas le luxe de s'apitoyer sur son sort. Elle n'avait, après tout, aucune garantie qu'il n'y avait qu'un unique assassin, et même blessé, son alter était trop dangereux pour qu'elle s'attarde ici, et sa blessure à la main l'empêcherait de manier son épée comme elle le voulait.
Elle était bien trop loin de chez elle.
Elle amorça un pas pour se retirer puis s'arrêta.

Il était debout.

Elle écarquilla les yeux un instant. Ce n'était pas les yeux d'un homme qui se levait pour rester en vie.
C'était le regard de quelqu'un qui était venu prendre sa vie dusse-t-il en mourir.

▬ Devoir, ou vengeance ?

Elle voulait au moins connaître les raisons qui poussait autrui à vouloir prendre sa vie. La vengeance serait folie, le devoir aurait son respect.

▬ Ton nom?

Elle utilisa son alter.
Un souvenir tendre, où il jouaient ensemble, une amie d'enfance impromptue qu'il n'aurait plus cœur à tuer.
Mais dans son regard d'assassin rien ne change, le souvenir rejeté comme si toute possibilité de bonheur enfantin n'avait pas sa place dans son histoire, ou ne suffirait simplement pas à faire chavirer son cœur.

Il était vraiment un splendide soldat.

Mais les conditions ne lui laisserait pas lui accorder son combat aujourd'hui. Pas quand n'importe qui pourrait débarquer et apporter du soutien.

Alors elle s'échappe, saute agilement sur et par-dessus les tombes.
Qui est la pleutre désormais ?
Il n'avait pas eu sa vie mais il avait au mois entaché sa légende et elle ne saurait lui pardonner.
Elle grince des dents à cette pensée, attrape son compagnon au passage -inconscient ou sa dépouille, peu importe, il était son compagnon, elle le ramènerait.
Il lui fallait au moins sauver un peu la face.


[dé alter échec et célérité succès critique pour la fuite www  ]

  Une dague trancha l'air dans un sifflement.
Le tintement des lames contre le vent était donc la seule parole qu'il lui accorderait ?
Elle tente de balancer son épée mais le poids du corps qu'elle porte et sa blessure à la main lui refusent la précision nécessaire à telle opération et la dague vient se loger dans sa cuisse. Elle grince des dents, chancelle un moment, mais ne la retire pas pour éviter une hémorragie.
Endurer la douleur, encore et toujours.
Continuer à avancer, même le pas traînant, même avec ce poids sur ses épaules.
Avancer toujours, dans les sillons de sang qu'elle laisse derrière elle.
Avancer jusqu'à demain.

Elle lança un dernier regard en arrière, presque solennel, et pour une fois se passa de mot, sachant que la distance les rendrait inutiles et que son interlocuteur ne la gracierait pas d'une réponse. Cette dernier dague lancée, elle la garderait. Cette dernière dague serait le témoin des actions d'aujourd'hui. Une promesse, s'il survivait, qu'elle n'oublierait pas. Une promesse de revanche.

Et alors cette dernière dague, elle lui planterait dans le cou.
N'était-ce pas après tout le plus grand respect que l'on puisse donner à un assassin?