X - Wheel Of Fortune
Il se rappelle de l’odeur de la pluie, du bruit qui percute une fenêtre ; il ne se souvient pas en revanche, s’il était endormi ou réveillé. Il ne se rappelle pas si c’est bien l’odeur de la pluie ou seulement celle de ses larmes, de l’eau de la bouilloire qui finit renversée sur le sol. Il se souvient de l’annonce brutale de sa participation, qui file droit comme une balle en pleine tête, qui fait projeter un corps et qui le fait s’écraser par terre. L’odeur du petrichor, les pieds enfoncés dans la terre boueuse, la chaleur n’existe plus, seul le froid de son propre cœur lui parvient. Les doigts ne bougent plus, les paupières ne sont plus réactives et il comprend. Seven sait. Il le sent. Les jeux ont à peine commencé qu’il la sent quitter ce monde. Cette moitié qu’il chérit, la deuxième partie de son âme, réduite en charpie. Et il s’effondre dehors, loin de son père qui réconforte sa mère, loin de cette baraque qui transpire la misère. Seven s’échoue, à l’abri des regards, comme une épave rouée par le torrent des vagues. Vouloir courir comme un dératé, mais ne plus être en état de faire un pas, de marcher. Seven n’a même plus la force de respirer. Il n’arrive toujours pas à croire que sa prédiction était exacte, qu’elle mourrait jeune, durant ces putains de Huntings Sports.

VII - The Chariot
Assis sur une chaise, tenant la main frêle et froide de sa mère, la tête basse et le dos voûté, dans l’incapacité de la regarder. Se sentir coupable et démuni, incapable de lui venir en aide ; maladie incurable qui la laisse sur le carreau, en dépression d’avoir perdue l’une des parties de son monde. Pour cette mère dont la famille était la chose la plus importante, la chute est haute, lente, douloureuse. La gorge est serrée, déglutir devient pénible, la trachée est compressée par toutes ses émotions contradictoires et néfastes. Seven aimerait revenir en arrière, il aimerait posséder un autre alter, celui d’inverser le temps, de le réécrire, d’en changer la courbe et le cours. Mais non. Lui il ne réécrit rien, il n’arrange rien, il ne fait que détruire. Et il se demande aujourd’hui, pourquoi Seven et non pas Napalm ? Pourquoi Seven et non pas TNT ? Pourquoi Seven et non pas Macabre ? Car il traîne des putains de cadavres derrière lui qui sont devenus des boulets à ses pieds. L’envie de vomir lui retourne l’estomac, l’envie de mourir lui comprime les entrailles. Il sent la main de sa mère serrer la sienne plus fort, comme si en cet instant, elle était capable de sentir la détresse de son enfant. Cette famille à juste la tragédie dans le sang.

XII - The Hanged Man
Le temps passe, défile et toutes les journées sans elle se ressemblent. Il faisait tout ensemble, unis comme les doigts de la main, semblable à des aimants. La misère ambiante pour seule comparse, ils n’avaient pas le choix, ne ressentaient pas le besoin de se lier aux autres. Aujourd’hui, Seven ressent le manque, comprend la perte, emprisonné dans la sphère infernale du deuil. Sa famille tombe en ruine, comme son district. Vouloir changer les choses, s’en sentir capable, mais baisser les bras à la première étape. Parfois, il se demande s'il n’aurait pas mieux fallu que ce soit lui qui meurt. Thirteen était plus forte, plus courageuse, plus solaire. Lui n’est que le revers de cette médaille. Il n’est que faiblesse, pessimisme, lunatique au possible et froid. Les bras croisés, l’homme attend que l’épée de Damoclès qu’il a au-dessus de sa tête ne s’abatte sur son crâne. Se serait lui rendre justice. Se serait faire preuve de clémence. Faire preuve de prudence, faire taire ses états d’âme. Advienne que pourra. Un jour il sait, qu’il la rejoindra là où elle est, ce jour là, il pourra lui demander pardon, s’effondrer dans ses bras ; ce jour là, il arrêtera de parler aux murs en espérant qu’ils lui répondent, il arrêtera d’avoir des hallucinations sur le timbre de sa voix. Car aujourd’hui, il entend ce qu’il veut bien croire. “Je te pardonne.” “Tu n’y es pour rien mon frère.” “Je suis près de toi.” C’est confortable, ça permet de survivre, d’espérer à un avenir ; même si ça lui paraît improbable.