C y a l a n a

Un moment de détente accordé. Quelques pas au cœur des jardins. Une cigarette allumée et l’œil perdu entre les feuillages et les chemins. Seule et bien décidée encore une fois à en profiter. Personne sur ses talons pas même son fidèle colonel. Aujourd’hui elle a réussi à se débarrasser de tout le monde. Elle divague comme d’habitude dans ces moments là, au cœur du courant de ses pensées et souvenirs. Elle ne se rend même pas compte qu’elle est suivie, observée. Et quand bien même elle le saurait, cela ne lui importe guère. Personne ici ne représente une menace pour l’immortelle souveraine.

Surprise. Elle l’est sur le coup, lorsque le jeune homme la saisit. Mais son regard doré, ainsi que cette étrange manière de voyager apaisent instantanément la bête qui était prête à se réveiller. Elle l’observe en tirant d’un geste une nouvelle cigarette qu’elle allume avec le mégot de la précédente.

« Hysteria, si tu as besoin de me voir tu peux simplement me le demander. »

Elle ne lui aurait jamais refusé une entrevue, ni à lui ni à aucun Vigilante. D’un souffle, elle expulse un lourd nuage de fumée grise en allant poser son séant sur un banc avant de l’inciter à en faire de même d’un geste de la main.

« Assieds toi et dis moi. Qu’est-ce que tu veux savoir exactement ? »

Des souvenirs elle en possède plus que quiconque. Des gens, elle en a connu plus que quiconque. Elle était donc la plus à même d’aider ce nouvel Hysteria dans sa quête. Et de plus c’est également son rôle de souverain que de prendre soin de ses sujets. En particulier des plus jeunes, ceux qui se cherchent, à l’instar du téléporteur.

C y a l a n a

Elle s’installe tranquillement, croise sa jambe droite par dessus sa jambe gauche sans se formaliser de la nouvelle utilisation de son pouvoir par le garçon. Elle écoute patiemment ses questions en tirant de nouvelles bouffées de fumée grise sur sa cigarette. Sourire fugace sur son visage alors qu’un flot de souvenirs l’assaille. Certains qu’elle avait même fini par oublier avec le temps.

“Le premier Hysteria, c’était un cas à part. Il était un peu sauvage, le genre de mec qui veut se donner un côté indomptable et sombre. Mais dis toi qu’en fait il était prêt à crever pour ton arrière grand mère. Un vrai canard.”

Elle marque une pause, le temps d’observer et de détailler le visage du Vigilante avant de reprendre.

“C’est vrai qu’il est devenu fou, ils étaient tout les deux malades et aucun médecin n’y a jamais rien pu. Crystal a eu de la chance si je peux dire, elle est morte vite. Hysteria lui est resté et il a dû affronter cette dure réalité qu’est la perte de l’être aimé. Il a sombré, il voyait des choses, des complots partout. Il passait son temps à se téléporter à tout va. Jusqu’à ce qu’un jour, il ne se fasse exploser avec le Q.G.”

Elle marque un nouveau silence. Le temps pour son poussin d’encaisser les nouvelles, elle le pointe brièvement du bout de sa cigarette.

“Toi, tu lui ressemble. Tu portes son nom, mais ne crois pas que ses erreurs seront les tiennes. Quand bien même, je ne considère pas qu’il ait fait des erreurs. Mais une erreur, celle de tout faire peter. Et Dolly… c’était une Wild. Une sacré vicieuse qui se prenait pas pour n’importe qui. Elle faisant genre d’être une grande fille, une terreur, mais elle passais son temps à courir après December. J’sais pas trop quoi te dire à son sujet mis à part qu’elle me faisait marrer.”

Elle secoue vaguement la tête en roulant de l’œil lorsque vient la dernière question, cependant elle ne tarde pas à lui donner réponse.

“Tu sais Hysteria, moi aussi j’étais une Wild avant de me marier. J’ai fait le choix de rejoindre les Vigilante parce que Tharanis était un gros con et que je sentais pas non plus son second et surtout parce que je voulais rester avec ma femme, aussi longtemps que possible. Et l’Empereur de l’époque, Power, il m’a accepté sans rien dire. Ils m’ont tous accepté. Alors que j’étais un assassin. Alors il en sera de même pour toi. Tant que j’aurais mon cul sur le trône des Vigilante, tu ne seras pas un traître. Tu seras un membre de la famille comme les autres.”

C y a l a n a

Elle hoche doucement la tête extirpant de ses naseaux un nuage de fumée grise. Bien sûr qu'il n'est pas lui. On est jamais quelqu'un d'autre. A la rigueur une pâle copie mais ça ne va jamais plus loin. Autant ce concentrer sur soi. Sur son propre chemin, sur ce qui nous attends. Le point centrale de nos vies, c'est nous. Alors qu'il se redresse pour contempler le ciel, elle garde son oeil gris sur sa personne quelques instants avant de détourner le regard, un sourire en coin se dessine sur son visage alors qu'elle vient inspirer une nouvelle bouffée de fumée toxique. Puis finalement, l'iris acier retrouve ceux mordorés. Ainsi donc, il pense qu'elle est la seule à croire en lui. Elle peut comprendre, la transition n'est jamais facile. Cependant oui, elle croit en lui, autant qu'en n'importe quel autre Vigilante. Peut-être même un peu plus. Elle est persuadée qu'il a ce qu'il faut pour aller loin. Et elle serait là, pour l'épauler.

"Hystéria." elle l'invective alors qu'il s'éloigne. "Si un jour tu doutes, rappelles toi que peu importe ce que disent les autres, tu es ici chez toi."

L'acceptance d'autrui peut être un processus long et ardu, une souffrance permanente pour celui que l'on voit comme une pièce rapportée. L'idée de ne pas trouver sa place, de ne pas réussir à faire son nid peut-être bien plus destructrice que n'importe quelle blessure. Elle le sait, peut-être mieux que personne ici, quand un coeur saigne, seul le temps peut ralentir l'hémorragie mais rien ne peut jamais complètement la stopper.

Elle reste assise là, sur le banc, son oeil unique rivé sur lui. Ils pensent qu'il deviendra sombre, elle pense qu'il apportera la lumière là où personne ne saura plus voir. Ils pensent qu'il deviendra fou, elle pense que personne ici ne fait plus de sens sur cette terre maudite qu'est l'arche. Sans doute doit-il apprendre à maîtriser ses accès de colère mais il est encore jeune, il a un peu de temps.

"Fais attention à toi."