entité artificielle manufacturée comme une poupée, née dans un tube et élevée dans une chambre immaculée — dévouée corps et âme à P.M., pour la si simple raison qu'elle n'existe pas sans eux — espionne à la solde des trapper, double-jeu en dents de scie — passe pour une psychologue aux yeux des autres, son dôme astral un safe space dans lequel enfouir ses pires secrets — si on lui a attribué à sa création l'apparence et le genre d'une femme, sheol est avant tout un concept — individualité nécrosée, l'esprit martelé par les préceptes de P.M. — on attribue sa maladresse sociale au temps excessif qu'elle passe dans sa bulle, qu'il s'agisse de la dimension ou de ses pensées maladives — intérêt pour l'autre tantôt distrait, tantôt obsessif, il lui arrive d'ignorer une présence comme d'en être physiquement, punitivement consciente — dans le cadre de sa mission, si secrète soit-elle, sheol peut se montrer invasive, trop curieuse ; attitude qui rejoint l'inaptitude sociale, caractérisée par son isolement trop fréquent.

On traduit Sheol comme le séjour des morts, sans qu'il ne s'agisse de l'au-delà. Dans la bible hébraïque, le terme est cortégé de plus d'une demi-douzaine d'adjectifs, pour en souligner l'importance ; Sheol, en tant que telle, a été solidement persuadée que son existence était aussi indispensable que son opposé. Par ce fait-même, on instaurait dans son système postiche une notion antinomique qui, aujourd'hui encore, la poursuit.

Sheol a été créée à l'image gracile d'une femme, mais n'en remplit nulle fonction biotique. Elle n'éprouve pas de désir sexuel ni reproductif, et ne s'identifie pas plus à la communauté des femmes - qu'elles le soient biologiquement ou non - qu'à celle des hommes - derechef, biologiques comme identitaires. Sheol est une idée, un concept ; elle est, à l'instar des tant d'autres organismes factices de l'organisation P.M., la consécration des efforts d'une équipe. En cela, son individualité réside dans ce qu'ils ont injecté au fond d'un tube, et de ce qu'ils lui autorisent à penser.

Nonobstant être vivant et sensible, son corps de carne relativement tendre quoique délié de son utilité primaire, elle subsiste dans la douloureuse connaissance de ces faits, sans en ressentir l'angoisse. Tout ce que Sheol accomplit est détaché de la notion d'individu et d'émancipation - elle ne saisit les maux de ses patients qu'au travers d'un code et de préceptes inculqués à son encéphale mutilé, et se voit capable d'en altérer l'influence grâce à la mathématique de ses créateurs. Face à un problème A, elle résout des équations sensibles avec pour unique leit motiv la crédibilité de son être mensonger.

En-deçà de ce qui la compose s'agite pourtant le tumulte de la vie en tant que telle. Une existence sans but n'en est pas une et, si docile soit-elle en sa qualité de sujet artificiel, le désir brutal d'être survit aux lobotomies de l'organisation. Dans cette dualité, c'est l'entropie - en son sens physique - qui fait rage ; Sheol réduite à un magma d'informations, mesurées par les signaux atrophiés de son cerveau corrompu, navigue à vue dans les flots calamiteux de l'humanité dans laquelle on l'a inoculée.