Chère inconnue, ou cher inconnu, Toi qui lit cette lettre ou cet aveu non signé et quelle que soit ta réaction, je ne t'en voudrais pas d'avoir eu la curiosité d'intercepter ce pigeon.
Bien triviales sont mes préoccupations dans cette missive sans destinataire, et je devine tes journées sûrement chargées pour l'heure...
Carcosa est une bien triste île, n'est-ce pas ?
Je garde néanmoins le tendre espoir de tuer ton ennui, cher(e) inconnu(e), de trouver une oreille compatissante et qui sait, de briser une barrière de trop sur Carcosa. Le silence est une force infinie mais il est aussi source de conflit entre Wilds, Legendary, Trappers et Vigilantes ; voilà donc une touche d'aventure et d'échange pour voiler le semblant de pudeur qu'il reste en moi.
Par où commencer ? Hmmm...Je fais souvent les Hunting Sports. On dit de moi que je suis douée en la matière, suffisamment pour être un peu décisive dans les victoires, je le crains. Aujourd'hui, et surtout maintenant, j'aurais aimé être forte pour les miens. Etre incassable, être une main de fer dans un gant de velours mais hélas, je suis surtout une femme avant d'être une arme. C'est bête, hein ? J'ai tendance à moi-même l'oublier quand je mets tout mon cœur à l'oeuvre. Il aurait sûrement été aisé de placer mon nom en bas de cette lettre, si je n'avais pas été aussi craintive à l'idée de révéler mon identité et ce qui me pèse sur l'âme. Je n'aime pas les émotions dans le fond, j'entends difficilement leurs significations. Mais je ne sais pas si je serais capable de tourner la page, j'ai besoin de coller des mots dessus dans l'espoir de, peut-être, continuer à avancer.
De ne pas perdre espoir.
...Je suis confuse, je m'en excuse.
Bien sûr, je crois intimement que chacun fait face à son lot de doutes et de peines, et que jamais l'anonymat n'aura eu moins d'importance qu'à cette heure sombre où la couleur d'une faction représente bien moins une sentence que le manque de vivres auquel nous nous rapprochons de jour en jour, en l'absence d'I.A. Je t'invite à faire quelques pas vers ceux qui ne sont pas de ta faction, ça sera peut-être ta seule occasion de te faire des amis désintéressés...
Mais, regarde ce que j'écris ! Je donne déjà des conseils plutôt que de parler de ce qui me tracasse. C'est difficile de se lancer et pourtant, il n'y a qu'ici que je peux m'exprimer sans être jugée...
Bref, la raison ou l'objet réel de cette lettre, dans tout ça ?
Oh, je suis juste en deuil...
Un amour est mort de mon côté. Ça fait très peu de temps : il y a quelques jours seulement. Lui et moi, on s'est rencontrés lors d'un événement aux White Lands où je suis tombée amoureuse de sa présence, de son absence d'émotions et étrangement, de sa maladresse aussi. C'est un homme bien bâti, talentueux et habile avec son alter, beau dans sa froideur. Je savais que c'était dangereux de le cotoyer, que c'était peine perdue, mais j'ai fait l'erreur d'y croire et de me penser maîtresse de mes émotions. Je ne peux pas en parler au QG, ni même à personne d'autre au final, alors je me défoule sur ce bout de papier une unique et bonne fois pour toute. Je veux éviter de plonger dans les ténèbres d'une détresse trop profonde, comprends-moi...
Je ne suis pas une personne spécialement naïve. J'ai toujours été sur mes gardes, un peu distante s'agissant de l'Amour. Trop de fois, j'ai vu cette entité se balader chez les soldats et pour être honnête, sa couleur m'amuse énormément mais elle me fait aussi très peur : j'en vois des tonnes, des âmes très illuminées ou des carcasses trop éteintes à son passage. Ca varie en fonction de la situation, et j'ai pu en conclure que l'Amour est une maladie avec pour seule remède et vaccin...le Temps. Alors oui, je m'efforçais de rationaliser ce que je pouvais ressentir et de ne jamais trop me rapprocher de quelqu'un qui pouvait m'attirer.
"Fuis l'amour, l'amour suit", comme on dit.
Mais là, c'était différent. J'aimais la force et la douceur qu'il m'apportait dans ce cauchemar ambulant. J'ai été habituée à me faire battre par l'I.A et la violence de Carcosa, alors je me suis accordée un peu de repos avec lui, loin de mon alter, loin des démons. Jour après jour, nuit après nuit, je suis devenue aveugle à la Réalité, j'ai cru en un avenir incertain à ses côtés. Je me suis projetée dans des rêves insipides aux yeux de la Raison, j'ai commencé à me détourner de mes croyances, j'ai cru en chacun de ses mots, j'ai tenté de sourire à chacune de ses lettres et de ses baisers jusqu'à en faire ma religion secrète, connue que de moi. Je voulais lui prouver que le monde pouvait être doux, que je pouvais le chérir même s'il n'en croyait rien et dans le fond...que je pouvais vivre et profiter de toutes ces choses plus banales, tant qu'il me révélait ses états d'âme et m'accompagnait jusqu'au bout de la nuit.
Cet homme, je l'aimais profondément.
Et pour être honnête, il m'aurait demandé de danser avec moi, rien que le temps d'une valse, ça m'aurait suffit.
Je me contente de peu car ici, c'est déjà beaucoup, "un peu".
J'ai même eu cet étrange rêve, une fois ! Il avait traversé toute la plaine pour rejoindre mes positions. Il s'était sorti d'affaire sans blessure et m'avait demandé en mariage en plein Hunting Sports... Après coup, j'ai songé que c'était la chose la plus romantique qu'on ait pu faire à mon égard et...J'aurais dit oui, si on avait eu plus de temps. Si ça avait été réel.
Je suis bizarre, tu penses ?
J'étais presque prête à tout quitter pour le rejoindre. On s'était même dit que, lorsqu'on aurait élucidé et résolu le mystère des contacts électrifiées depuis la chute de L'I.A, on fonderait une famille ensemble.
J'ai l'impression que c'était hier et pourtant, je ressens aujourd'hui des émotions si violentes et si contradictoires que je pense au pire tous les jours. Je n'ai pas compris les premières heures. Tout s'est envenimé en très peu de temps, quelques secondes, peut-être ? Et je ne sais pourquoi, j'ai voulu le tester.
Je lui ai demandé s'il était prêt à quitter sa faction pour moi. Pour nous.
Parce qu'au final...Choisir cette voie voulait aussi dire que l'un de nous deux devait quitter sa famille de cœur. J'étais prête, mais incertaine : j'aime les miens, moi aussi et je voulais pas vraiment laisser derrière moi une image de trahison.
Une chose est certaine : je voulais être sûre que nos sentiments étaient réciproques. Je m'étais persuadée qu'il était prêt à en faire de même. Mais l'évidence était là.
Je la connaissais déjà...
Ses lèvres ont formulé ces mots que je n'oublierai jamais.
Il a dit "Devoir" et tout s'est brisé.
Un mot. Devoir.
Il a préféré son Devoir à moi. Il me l'a rappelé, me l'a réitéré.
On s'est quittés.
Nos chemins se sont séparés comme je l'avais craint.
Sa réponse me hante chaque nuit. Il n'y a pas une soirée où je ne serre pas mon oreiller et que j'étouffe mes larmes dans le silence de la lune...
Je hais de me sentir aussi faible, mais je n'arrive plus à trouver le sommeil...
Que ce soit mon meilleur ami ou l'homme que je choisis d'aimer, j'ai toujours été trahi.
Et maintenant que je suis au fond du gouffre et que ma misère est là, je ne sais plus qui croire. En quoi croire.
Et cette lettre, alors ?
C'est ma façon à moi de dire adieu, de tourner la page sur mes sentiments.
Après tout, tout cela n'a pas véritablement d'importance ; les choses ne font que commencer. Je dois me relever et je n'ai pas le choix. Je le sais.
Qui que tu sois, merci de m'avoir lu...
Signé -...
Un simple coeur brisé