MUSIQUE — Des dossiers dans les bras, des choses à lire, des rapports qu’il a écrit, des archives ; la tête remplie de doute. Rien ne se passe plus comme prévu, rien n’a plus logique, plus de sens. Il tente Seven, à sa façon, de retarder cette échéance, de ne pas provoquer un esclandre, de rester droit et fier dans ses bottes alors qu’il n’en mène pas large. Cette envie d’avoir un signe d’Howlite, de comprendre, d’être là pour elle ; ça le force à s’activer, à faire des choses qu’il ne faisait pas d’ordinaire. Se donner corps et âme à la tâche, un peu plus, toujours plus, quitte à s’épuiser, à s’oublier. Il en oublie de manger, de dormir, de respirer parfois. Les entraînements s’enchaînent, les nerfs sont mit à rudes épreuves pour ne pas cogiter, pour faire taire son esprit qui continue sans cesse d’alimenter la toile de l’araignée. Faire des plans, plein, constamment, pour se viander lamentablement. Ce n’est qu’un homme, un homme qui tente de se libérer de cette condition de n’être qu'un “simple homme”. Mais ne pas être capable d’aller au-delà. Car cette condition, finalement, lui sied.

La fierté ne fait que ruiner
Elle n’apporte rien
Mieux vos vivres debout et rationnel
Plutôt que de la rêver à avoir des ailes

Les feuilles virevoltent dans tous les sens ; tout ce qu’il souhaite Seven, en cet instant, c’est de tout envoyer valser. Car il est usé, fatigué, qu’il ne dort pas, qu’il ne mange pas et tout cela à un impact ; qu’il le veuille ou non, ça joue sur ses nerfs, sur ses décisions. S’il s’écoutait, s’il n’y avait pas tous ses risques, il serait déjà devant la porte d’Howlite, à l’étreindre pour la rassurer. Mais il est privé de tout ça, il est privé de décisions qui le concerne et ça le fait rager. De la fumée s’échappe de sa main lorsqu'il cogne dans un mur de béton qu’il fissure dans une micro explosion. Avoir du self control, maintenant, c’était à pleurer ; à gerber. Secouant la tête, ramassant les feuilles qui viennent de tomber, il ne sent pas le poids de ton regard sur lui ; pas tout de suite. Lui qui s’est entraîné à tout venait de perdre ses ressources, ses repères. Profond soupir, c’est en dégainant une cigarette que son prénom franchit la barrière de tes lèvres ; une voix qui ne lui était plus adressée depuis bien longtemps.

Alors il pivote, la stupeur lisible sur son faciès
Comme si enfin, tu allais le libéré ; confesse

Vouloir lui parler, enfin ? Après tant d’années à le fuir ? Sortir des excuses vaseuses pour le distraire et te soustraire de son insistance ? Vraiment ? Ses yeux vairons se font durs sans le vouloir, la fatigue marquant ses traits, les cernes s'imbriquent sous ses prunelles. Néon, quelle surprise… C’est ironique et en même temps, lâché sur un ton catégorique. Que me vaut ce revirement de situation soudain… ? Tellement habitué à être fui, à être esquivé comme s’il n’était que la peste personnifiée, ça avait le don de le surprendre, mais également de le blesser. Tu m’excuseras si je saute pas de joie, après ce qu’on a partagé ensembles, te voir me fuir, ça a laissé des traces. Il se déteste Seven, quand il se fait aussi méprisant ; ignorant tout de ta détresse. C’est à s’en donner des claques, à vouloir retourner le QG dans tous les sens. Maître de ses émotions ? Si peu. Ce n’est qu’une illusion.

Son paquet de cigarettes est dégainé de nouveau et c’est dans un appel à la réconciliation qu'il le tend, t’invitant à en prendre une avant qu’il ne s’adosse au mur. Je t’écoute, j’ai du temps, comme tu peux le voir, la paperasse, ça m’emmerde. En témoigne les nombreux papiers à vos pieds, sur lesquels il marche sans aucune gêne. Bras croisé, barrière de protection face aux poids des mots et de leurs conséquences, Seven attend ; il attend que tu parles, se fait patient, bien que ça ne soit clairement pas son fort.

MUSIQUE — La première amorce n’est jamais la plus évidence et Seven est conscient que le premier pas est toujours celui qui coûte le plus. C’est pourquoi, il se fait patient, il attend, sagement, bien qu’un peu agacé de te voir débarquer maintenant. Car après tout ce temps, il s’est fait à l’idée que tu ne lui adresserais jamais plus la parole, que tu ne lui donnerais que de l’indifférence ou de l’ignorance pour seule attention. Et y repenser, ça le fait bouillonner. Se maintenir au calme, s’y forcer et ne pas user de son tic nerveux pour te presser. Le pied ne tape pas, Seven ne bouge pas. Tu parles d’une migraine Neon et c’est actuellement ce qu’il a Seven, une migraine qui se pointe, la faute à la fatigue, au manque de sommeil. Ne dormir que deux heures par nuit, n’avoir que des siestes de courtes durées, il y avait de quoi être éreinté. Sauver les apparences, ne rien montrer. S’intoxiquer de nicotine et de café dégueulasses, voilà à quoi il était contraint.

Tu prends la clope qu’il te tend, mais il voit bien que tu galères à amorcer tes explications. Vous étiez plus doués par le passé pour communiquer qu’aujourd’hui. Qu’est-ce qu’ils vous étaient arrivés Neon ? Lui et ses confidences sur l’oreiller, à t’étreindre pour oublier sa peine ; à danser sous les draps pour oublier son calvaire. Vous parliez, autant avec vos physiques qu’avec vos mots ; tu savais tout de lui, dans les moindres détails… Alors quoi ? Qu’est-ce qui avait changé ? Ce n’est pas le manque d’affection, ce n’était pas de l’amour, certes, mais il y avait cette connexion ; le genre de connexion que l’on n’explique pas clairement avec des mots. La fumée virevolte entre vous, les mots sont difficiles à trouver, il l’entend, il le sait et il le comprend. Car Seven, lui aussi galère à s’exprimer sur ses émotions, sur ce qu’il ressent. Les rares élus sont privilégiés et ils sont rares entre ses murs.

Des responsabilités ? Les rouages s’enclenchent, mais Seven ne voit toujours pas à quoi tu fais allusions, il ne comprend pas la référence. Alors lorsque tu ajoutes que tu as fuis parce que t’as merdé, sa curiosité est piqué au vif. Pourtant, c’est toujours en silence qu’il t’interroge de son regard ; un sourcil arqué et les lèvres entrouvertes pour laisser filtrer la nicotine de ses lippes. Il ne comprend pas, de quoi est-ce que tu parles ? Où est-ce que tu veux en venir ? Les questions fusent, mais Seven ne trouve pas le courage de briser ce silence pesant ; car il a peur que ça freine toute tes envies de te livrer ; et il attendait depuis bien trop longtemps tes explications. Tes yeux volent vers le plafond.


Et la phrase tombe, comme un couperet
Comme la guillotine qui vient lui couper la tête

Je suis tombée enceinte.

Ce n’est pas anodin. Et la façon dont tu le dis, le cerveau de Seven galère à process l’information. Tout tourne en boucle, tout s’accélère, pour finalement repartir en arrière. Il sait ce qui va être annoncé ensuite, il sait clairement ce que tu vas lui dire. Il le voit venir, gros comme une maison ; comme un coup de clé à molette qu’on voit venir en plein visage, mais qu’on est incapable d’éviter.

De toi.

Blanc comme un linge, pâle comme un mort. La cigarette quitte ses lèvres pour tomber au sol alors que ses mains tremblent. C’est imperceptible à l’oeil nu et pourtant, plus les secondes passent ; plus c’est visible. Car les secondes se transforment en minutes et un voile blanc devant ses yeux le fait tituber, pour mieux glisser le long du mur. Ne plus rien voir, ne plus être capable de discerner ni les formes, ni quoi que ce soit d’autres. Il ne voit qu’un voile blanc, il n’entend rien, si ce n’est son souffle erratique, l’écho de sa propre voix. Putain. Ce n’est pas une mauvaise blague, ni un mauvais rêve. C’est pas l’moment d’faire un malaise. Et pourtant, c’est clairement ce qu’il est en train de vivre.

Cependant, ce n’est pas lui qui doit se sentir mal de cette annonce.
Car il t’as laissé gérer ça, toute seule, alors qu’il était en faute… ? Quel connard fait ça ? Un connard comme Seven apparemment. La vision revient difficilement, ses yeux vairons se posant sur le sol, son visage caché par ses mains pour reprendre ses esprits et contenir la migraine qui se pointe. C’est… C’est pour ça que tu m’as fuis ? Tu voulais pas que je l’apprenne ? Tu voulais gérer ça toute seule ? Avoir un enfant ? Non. Très peu pour lui, il ne l’avait jamais envisagé. Pourquoi faire venir au monde un être qui serait condamné à vivre dans un monde aussi pourrit… ? T’es pas la seule à avoir merdé Neon, moi aussi j’ai pas géré. J’aurais clairement du te poursuivre, insister pour que tu te livres… Si j’avais su… Un rire, sarcastique, lâcher parce que les nerfs eux-mêmes sont en train de céder. C’pas moi qui doit être mal, j’ai pas de raison de mal le vivre, j’ai pas été quelqu’un de confiance, faut dire ce qui est. J’suis juste désolé justement, que t’ai pas pu avoir confiance en moi pour m’en parler. Que t’ai dû affronter ça seule.

Un soupir, profond. Une main dans sa tignasse ébène, qu’il malmène pour s’extirper des mauvaises pensées. J’crois que j’vais faire un malaise. Tout s’embrouille, tout se bouscule, tout bascule ; alors Seven se force à bouger, à se masser les tempes, les doigts, à retrouver de la mobilité dans sa rigidité quasi cadavérique au vu de l'annonce qu'il n'aurait jamais pu prédire. Qu'est-ce... Qu'est-ce qui s'est passé... ? Autant tout savoir, tout avoir toutes les informations. C'était important.

MUSIQUE — Une crise de panique. Rien que ça. C’était à pleurer, à vomir. Il entend ta voix Neon, mais son esprit est embrumé, il s’embrouille dans les réminiscences du passé, se rappelant alors les moments de fuite, sa curiosité jamais rassasié, tes yeux qui se détournent des siens lorsqu’il essaye de te parler. C’est donc pour ça, oui, pour tout ça que tu le fuyais. Comment ne pas culpabiliser ? Comment ne pas se sentir comme un immonde connard ? Comment ne pas vouloir s’auto-flageller si personne ne lui reproche rien ? Pourquoi Neon ? Pourquoi t’as traversé ça toute seule ? Il n'était pas fiable ? Malgré vos confidences, cette relation étrange de confessions sur l’oreiller, malgré que tu saches tout de sa peine, de son deuil impossible à surmonter… Pourquoi ? Pourquoi bordel ?

Quand un problème survient, un autre se ramène. Et ça revient, encore et encore. Il a beau voir les couches s’entasser, il n’a pas la force Seven, de tout envoyer valser. Et pourtant il aimerait avoir cette force, cette énergie, de virer les couches successives, de régler les problèmes à la fois grâce à ses bras, mais surtout avec sa tête. Seulement, la fatigue ne l’aide pas, au contraire, ça le rend encore plus confus. La panique, il l’a senti monter, encore et encore, sans être capable de la réfréner ; son souffle s’alourdit, tout comme son corps qui s'affaisse, un besoin vital de dormir, pour passer le goût de la bile, de la pilule difficile à avaler.

Et t’en viens à regretter, l’espace d’un instant de t’être confié à lui, ce qui le fout un peu plus sur le carreau du désarroi. Non, t’avais rien à te reprocher Neon ; ne rien dire, c’était compréhensible ? Sans doute ? Non, en vrai, il n’en sait rien, mais clairement, Seven sait. Jamais il n’aurait été le soutien attendu ou souhaité ; il n’était pas doué pour ça. Et une famille, sans sentiments ? Non. Ce n’était pas envisageable. Quand tu viens t’asseoir à côté de lui, c’est avec lenteur que l’homme tente de respirer de nouveau, de calmer les tremblements de son corps et d’écouter, d’imprimer chaque mots à son esprit. Alors il écoute Seven, en silence, comme il l’a toujours fait, comme il a habitué les gens autour de lui, à accepter cette part de lui.

Lightning, Samael, son coeur se serre un peu plus. Peu de gens au courant, mais des gens importants. Autant pour lui que pour toi. Personne ne savait… Personne ne savait que c’était lui… Et ça comprime encore plus sa gorge, encore plus son coeur, encore plus ses entrailles. Détenteur d’un secret lourd, dont il n’est pas étranger, dont il doit comprendre le poids et surtout endosser la responsabilité, qu’il le veuille ou non, Seven est impliqué, jusqu’au cou. Quand tu lui demandes de retrouver son calme, l’homme s’y attelle, il essaye, de toutes ses forces, l’envie de vomir toujours présente. Jamais il ne s’était réellement dégoûté, mais en cet instant, oui, il ne pouvait cacher l’idée qu’il était révulser par sa propre lâcheté, par sa propre ignorance.

Et il écoute, sans rien dire ; les jambes détendues, les mains serrées en poings sur ses cuisses. Il écoute inlassablement, sans rien pouvoir ajouter ni ponctuer. C’est ta vie Neon, que tu lui déballes et il n’y est pas indifférent, bien au contraire. Car tu as été là pour lui, dans des moments difficiles ; mais dans celui-ic ? Où était-il ? Dans les bras de Samaël ? Dans les draps à pleurer encore Thirteen ? Il ne pouvait clairement s’en prendre qu’à lui-même ; car il avait merdé sur toute la ligne, sur tous les plans.

Les canines mordent sa langue, vouloir rester calme, mais sentir son cœur tambouriner fort contre sa cage thoracique. Tant de questions, si peu de réponses. Alors ça vole à l’écho de ta dernière sentence. Gérer tout ça seule, pourquoi ? Je ne méritais pas de savoir ? Non, ce n’est pas ainsi qu’il veut formuler les choses, mais l’impulsivité ne l’aide guère à rester cohérent. Je veux dire… J’étais concerné aussi, j’aurais pu t’aider, d’une quelconque façon ; j’en sais rien. Seven ne sait pas et il déteste être dans cette position de faiblesse, d’être ignorant. Oui, vraiment, l’ignorance le crève. J’voudrais pouvoir réagir autrement, mais je sais pas quoi dire Neon, je sais pas quoi faire non plus, j’me sens juste comme le plus gros enculé que cette terre ait portée. Parce que t’as dû gérer ça, seule.

Et lui qui se targue de toujours être là, présent pour les gens dans le besoin, pour sa famille, ça le fout en branle, ça le met au sol.

MUSIQUE — Se rappeler de tout, se sentir coupable et être encore une fois celui que l’on épaule, celui que l’on materne. C’est à pleurer, à gerber, à expier. Il déteste la position de faiblesse dans laquelle il se trouve et rien ne l’améliore en cet instant et certainement pas tes mots Neon ; parce que t’es trop compréhensive. Beaucoup trop. Pourquoi ne pas l’accabler ? Pourquoi être aussi compatissante ? Peut-être, qu’en effet, il n’était pas le seul à blâmer… Et pourtant, jamais il ne pourra t’en vouloir. Avec sa main tremblante, il dégaine son paquet de cigarettes, en allumant une nouvelle, refusant de ramasser celle qui n’est qu’à moitié consumée par terre ; encore un peu de dignité.

Oui, il était déjà dans le mal, mais qu’est-ce que ça change ? Cela n’enlève en rien ses responsabilités, cela n’aurait jamais dû les lui enlever. T’as fais le choix sans lui et, oui, t’étais dans ton droit, très clairement… Mais il ne peut s’empêcher de sentir un vent de colère monter, gronder. Car il sait ce que c’est que de ne pas être désiré, d’être né au mauvais moment, au mauvais timing… Un boulet à traîner, t’entendre dire ça… C’est la goutte de trop. T’as jamais été un boulet pour moi. Et j’te rappelle qu’à cette époque, si t’avais pas été là, j’serai mort.

Aconit lui a sauvé la vie le jour où il s’est… Ses yeux scrutent ses poignets, sa mâchoire se crispe un peu plus. J’étais le boulet qu’on soutenait, envers et contre tout. Ce déchet en deuil, alors non, jamais j’t’aurais considéré comme ça. Pas après tout ce que t’as fais pour moi. Et le fait de ne pas pouvoir te rendre ce que tu lui as apporté ; au contraire, de t’avoir abandonner à ce que tu appelles “tes responsabilités” ; ça le flingue. Même s’il n’y avait pas d’amour entre vous, il y a eu de l’affection ; et de son côté, il y en aura toujours. La cigarette trouve place entre ses lèvres, il galère cependant Seven, à tourner la pierre pour l’allumer. Les doigts sont comprimés, rigides.

Il lui faudra plusieurs essais, alors que tu continues ton récit, ce à quoi il trouve toujours une réponse. Une parade. C’est sa fierté qui en a prit un coup, c’est sa confiance en lui qui s’exprime ; mais c’était trop tard, c’était devenu le passé et vous n’aviez aucun moyen de le réécrire ; surtout que, te connaissant, tu referais les choses de la même manière. J’aurais juste aimé faire plus Neon, que te dire de beaux mots aujourd’hui. J’ai pas pu être là, parce qu’en effet, tu ne m’as laissé aucun choix. Je sais pas pourquoi tu me racontes ça aujourd’hui, mais t’as pas à t’excuser de quoi que ce soit.

La cigarette se consume sans qu’il ne tire réellement dessus ; ses yeux vairons scrutent les feuilles éparpillées sur le sol ; il tente en gardant son esprit focus sur les environs, de garder un semblant de contrôle, de contenir cet élan de panique qui ne demande encore qu’à émerger. Le prénom de ton frère revient, l’évocation de ta peur quant à sa réaction, ça le fait tilt, instantanément. Son regard pivote, mais aucun son ne sort. Que dire ? La vérité ? L’enrober pour être sympa ? Non, ce n’est pas ainsi qu’il fonctionne Seven ; trop honnête, beaucoup trop, c’est pourquoi il détruit tout ce qu’il touche. Avec sa vérité cinglante. J’aurais réagis comme aujourd’hui, j’aurais paniqué, j’aurais sans doute pas accepter, parce que j’suis trop instable pour avoir un enfant. Que j’en ai jamais voulu… Mais si c’est ce que toi, tu voulais, alors je t’aurais soutenu.

Avec des “et si”, Seven réécrirait le monde ; changerait énormément de choses et, par-dessus tout, il serait aux côtés d’Howlite aujourd’hui. Un enfant… Il l’aurait forcément laissé derrière lui, qu’il le veuille ou non. Entendre ta voix se briser, ça l’atteint, plus que de raison ; ça le laisse pantois également, car c’est rare que tu lui offres cette vision de toi. T’as toujours eu les épaules, t’es toujours restée solide, envers et contre tout. Mais t’as le droit de craquer Neon, c’est normal. Alors dans un élan de tendresse, de compréhension et d’empathie maladive, il attrape ton bras et te rapproche de lui, ta tête sur son torse, qu’il étreint calmement, caressant le sommet de ton crâne. Je te le répète, t’as rien fais de mal Neon. T’as agi comme tu le sentais. Comme tu le voulais. J’ai pas apprécié que tu me fuis comme si j’étais la peste incarnée, mais… Mais je sais maintenant pourquoi tu l’as fais. Et j’t’en veux pas d’accord ? Jamais je pourrais t’en vouloir.

Il sent que ça commence à comprimer sa gorge, que l’émotion est là, qu’il ne peut pas l’envoyer paître, ni la dissimuler. Alors il laisse, malgré sa fierté trop grande, une larme s’échapper, rouler, se déposer sur tes cheveux. Parle-moi dorénavant, ne me fuis plus. Vous aviez trop partagé pour agir ainsi. C’était une torture, plus qu’il ne l’aurait cru.

MUSIQUE — Tout s’éclaire, le tableau est enfin restauré, il est capable de comprendre, d’assimiler. Ses années de tourmente, à ne pas savoir quoi faire en ta présence, à abandonner, à baisser les bras à chaque mouvements de fuite de ta part ; enfin. Enfin la lumière était faite. Enfin Seven pouvait de nouveau respirer ; même si ce qui t’étais arrivé, ce n’était pas anodin, que ça ne le serait jamais. Le coeur est lourd, les mots le sont tout autant, votre situation à eu des conséquences. Et l’homme, dans ce genre de moment, à une part de responsabilité. Jamais Neon, tu n’aurais dû vivre ça seule. Mais il sait que Lightning était là et c’est tout ce qu’il aurait pu te souhaiter. Avoir un frère à ton écoute, à tes côtés ; à sa place.

Tu te confies à nouveau sur la raison, de quoi le rendre encore plus attentif, son bras autour de tes épaules, te rapprochant de lui imperceptiblement. Raconte. C’est court, concis, comme d’habitude. L’occasion de le faire, tu l’aurais toujours Neon, mais Seven sait, il sent que ce n’est pas tout, que tu lui caches autre chose ; ton élan de courage, ton besoin de confession, ça ne sors pas de nul part. Et cette sensation, sur sa gorge, qu’il ressent depuis plusieurs jours n’est peut-être pas anodine. Il sent des affres qu’il n’a pas vécu, il possède des sensations qui le rendent aigri, agressif, encore plus en ébulition qu’il ne l’est habituellement. Est-ce que tout est lié ? Il n’allait pas tarder Seven, à le savoir ; ou plutôt, à le comprendre.

Quand tu lui poses ta question, son envie de t'assommer le prend aux tripes, mais l’homme se force au calme, soupirant bruyamment avant de te lancer une pichenette sur le front, puis il recommence encore, et encore et encore. Rentre toi ça dans le crâne Neon. Et une dernière, en agrippant ta nuque. T’as pas à me demander pardon, jamais. C’est lui le con, c’est lui qui a merdé, qui n’a pas été là, qui n’a pas insisté, qui s’est juste contenté d’accepter après plusieurs refus, à cette déchéance, à l’ébranlement de votre relation. Il ne s'est pas battu pour comprendre Neon, il a juste abandonné et même si cela ne lui ressemblait pas, il s’est juste dit que c’est ce que tu voulais.

Il souhaitait juste, à cette époque, respecter ta décision.

Ta tête qui s’enfonce dans son épaule, son bras qui resserre sa prise sur ta nuque, te logeant un peu plus dans son étreinte, dans ce cocon de protection que tu mérites Neon et que tu méritera toujours, quoi que tu fasses. J’suis une bonne poire Neon, tu le sais depuis le temps ; la rancune ne fait pas partie de mon vocabulaire. Surtout que tes raisons sont… Compréhensibles. Sa main caresse tes cheveux, lentement, avant de s’arrêter nettement, pour accentuer sa dernière sentence. Donc non, j’t’en veux pas. La cigarette entre ses doigts libres, il la niche entre ses lèvres, son esprit se focalisant encore et encore sur tes paroles.

Oui, cette sensation, t’étais pas la seule Neon, à l’avoir. Seven aussi sent que quelque chose s’est passé, qu’il est parti, plus d’une fois. Je suis là. Oui, cette sensation, il l’a comprise, il l’assimile, mais il est là, bel et bien vivant, ancré dans la réalité, dans les racines du temps. Je suis là et je vais nul part. Même si l’envie de rejoindre Howlite dicte sa raison, ses sentiments sont là, ils sont palpables. J’voulais quitter les Vigilante, rejoindre celle que j’aime, pour la serrer dans mes bras. Mais j’peux pas. Priver de ce bonheur, priver de cette possibilité ; Seven lâche la véracité de la vérité, il lâche ses mots, sans les mâcher ; il n’a plus le temps de se cacher, de faire semblant. J’me sentais plus à ma place ici, j’me sentais de trop, incapable de me mouvoir comme j’le voulais. J’envisageais de partir Neon, mais j’suis bloqué ici.

Et il doit l’accepter, qu’il le veuille ou non. J’suis un connard ; j’voulais juste m’barrer, abandonner ma famille derrière moi ; Sam, Light, Winty, Lime, Vivi’, Aco’, toi. J’ai pas pensé un moment à vous, j’ai pensé qu’à elle. Howlite. Putain Howlite. C’est en resserrant son étreinte autour de tes épaules, qu’il prie intérieurement Seven, pour qu’elle aille bien. Mais non, je suis là et vu le bordel ici, j’peux pas m’casser, j’peux pas fuir les responsabilités que je voulais endosser… J’dois m’assurer que tout aille bien, que tout roule sur de bons rails… Et ensuite alors, peut-être qu’il s’en ira, qu’il repartira de zéro, ailleurs ; c’était le plan, c’était l’idée. Mais quand. Un tremblement, un soubresaut, un sourire qui s’effrite, de la cendre qui tombe et un visage qui s’abaisse. J’ai cette sensation de mort qui me colle à la peau. Et y’a tant de choses que tu ne sais pas, que je ne t’ai pas dite. Tant de temps perdu Neon. Si tu savais.

Si tu savais.
Si Aconit avait pas été là.
J’serais déjà mort.