Lui répondis-je alors simplement dans une bouffée de cigarette. Il y est des gens qui n’ont qu’une simple utilisé matériel. Elle est de ceux-là. J’aurais aimé pouvoir me passer pleinement de sa compagnie mais, elle a me mérite de revenir docilement. Surtout que le projet qui m’accapare ici est primordial. À vrai dire, si j’arrive à trouver la solution à ce problème-là, il ne restera rien au monde qui pourra me résister. Mais malgré mon indéniable génie, cette réponse m’échappe éternellement. J’enchaîne d’une bouffée nouvelle sur ma sèche, et toujours sans me retourner vers elle lui désigne le paquet qui traîne nonchalamment sur une table, avec à ses côtés le briquet et une série d’autres outils plus scientifique.


Je la sens s’approcher de moi et je retiens dans la foulée un soupir. Mais une nouvelle fois, je viens tirer sur ma cigarette et me rend compte qu’il ne me reste maintenant plus qu’un filtre incandescent entre les lèvres. Cette fois si, le soupir quitte bel et bien mes lèvres et je fini par écraser ce qu’il reste du petit bâton de tabac dans le cendrier qui se trouve derrière moi, m’obligeant à me retourner vers elle. Je tends ensuite simplement ma main vers le paquet de cigarette qu’elle aura soit saisit soit ignoré. L’âcreté de la fumée et l’amertume du tabac m’aide à me concentrer.


Enfin, par exactement. Bien que la question de l’origine de la vie soit une des quêtes intellectuelles qui m’occupe ici il ne s’agit pas vraiment de ça. Mais bel et bien de l’origine de nos pouvoirs. J’essaie de trouver comment il s’exprime dans le génome, comment il se manifeste en nous et surtout, et bien, s’il existe un moyen pour annuler ou mieux encore, forcer ces mutations. Tout serait plus simple si je pouvais multiplier les essaies cliniques sur des patients vivants… ou mort à défaut. Mais je ne peux faire ni avec l’un, ni avec l’autre, alors j’adapte mes protocoles expérimentaux.


Viens-tu encore réclamer une nouvelle fois que je me serve de toi pour la grande cause de la Science… J’espère, ma dernière sortie avec Celsius m’a donné quelques idées que j’aimerais tester, mais je manque encore une fois cruellement de ressources expérimentales. Je me serais bien servi de mon propre corps, j’ai déjà essayé mais malheureusement, mes propres dons n’ont pas d’effet sur moi…

Là où tu détournes le visage pour souffler le tabac, je reste droit. Nos regards toujours accrochés l’un à l’autre. Pour le reste, je vois que tu ne comprends pas ce qui m’anime. Tu te souviens, mais tu ne comprends pas. Qui peut comprendre, après tout, le rêve après lequel je cours. Personne… Je ne peux l’expliquer à personne. Alors je le garde pour moi, mes notes, mes schémas, mes expériences, mes hypothèses et mes échecs. Surtout mes échecs. Mais je ne désespère pas. Je finirais par comprendre le secret de la vie qui est la nôtre. Le secret de ce monde d’illusion, ce théâtre de fou, dans lequel on nous force à vivre. Je trouverais le mystère qui régit notre monde et j’en deviendrais le maître. Ce n’est qu’une étape parmi d’autres, une solution de plus. Mais celle-là, c’est celle qui m’obsède vraiment, celle dans laquelle je pourrais me perdre. Après tout, depuis combien de temps suis-je ici ? À en juger par le tas de cadavres de cigarettes, longtemps, très longtemps. Je devrais avoir faim, mais je me suis nourri de fumée.


Mais rien de précis ne semble l’amener ici. Alors je sais quoi faire d’elle. Ce qu’Alastor ignore ne peut pas lui faire de mal n’est ce pas ? Après tout, c’est elle qui vient me chercher non ? Pourquoi brusquement, son avis me préoccupe ? Tss, simplement pour ne pas perdre ce que j’ai commencé à construire, voilà tout. J’expulse un nouveau nuage de fumée avant de me retourner vers quelques tests que j’avais pu mener à bien. À vrai dire, ce sur quoi je travaille est compliqué. Me voilà enfoncé jusqu’au coup dans les méandres de la génétique avec le matériel rudimentaire qui est le mien. Mon hypothèse est simple : nos pouvoirs viennent de nos gênes. Certaines de mes maladies peuvent altérer les gênes ou du moins, le fonctionnement des corps, alors, si je trouve la clef de cette solution…

Je passe en revue quelques tubes à essai, et fini par en choisir un. Je le sors de son support, la cigarette toujours visée à la bouche. Je le porte à mes yeux et l’agite légèrement. Bien, pas de substrats ni de cristallisation. Je devrais pouvoir en faire quelque chose et ne reste plus qu’à mener le test. Je me retourne alors vers elle et lui tends le tube :


La folie, Desire, la folie prend bien des formes et je ne suis pas plus fou qu’un autre ici-bas. Je suis juste plus brillant, c’est tout.

Je te réponds simplement d’un signe de tête. Ce Bunny que tu aimes temps, je me suis toujours demandé s’il existait vraiment ou s’il s’agissait d’un charme pour te donner une raison de revenir. Mais la vérité ne m’intéresse pas. Je ne sais même pas si je l’enverrais te rejoindre s’il est réel. Sûrement, juste pour éviter qu’il ne pose trop de questions ou pour qu’il me serve ce bouc émissaire. Mais tu ne vas pas mourir. Je t’accompagne, par contre, quand tu lèves ton verre. C’est ma cigarette que je lève en ton honneur, à tes souffrances à venir. Car je ne doute pas que tu vas être balayé par la douleur. C’est pour ça que tu viens, après tout, c’est ce que tu cherches ici-bas. Souffrir, quelle drôle de façon de s’attacher à la vie. Je recrache une dernière bouffée de fumée et écrase ma sèche dans le cendrier, qui déborde, pendant que tu engloutis ce qui te ramènera à la vie. Même si je pense que tu préféreras la mort.

Je la vois alors s’écrouler après un temps sans réaction. Je hoche la tête avec satisfaction. Je m’accoude au bureau derrière moi et la regarde là recracher de l’eau et manquer de se noyer. Voilà une réaction intéressante et inattendue, il faut que je prenne des notes. Je saisis alors un papier et un crayon et me met à griffonner dessus. Je mets quiconque au défi de percer le secret de mes notes de recherche.


Je prononce mon compte-rendu à voix haute, elle a bien le droit de savoir à quoi elle participe, du moins en partie. Doucement je repose mon crayon, fait quelques pas et prend le temps de récupérer le paquet de cigarette et d’en allumer une nouvelle pendant qu’elle continue de ce noyer. Puis, je saisis une petite lampe, de l’aspect d’un stylo, qui traîne sur mon bureau. Je m’approche enfin d’elle et sans encore m’abaisser la retourne sur le dos du pied. Puis, je m’abaisse un peu sur elle, la dominant complètement. Je pose mes mains sur son cou, pour maintenir son visage immobile. Puis, j’agite la lampe devant ses yeux, les ouvrants si nécessaire, cherchant des réactions. Puis, la main qui bloquait son cou relâche la pression pour se poser sur l’artère jugulaire pour mesurer les battements de son coeur. Et je me rends compte qu’il me manque sûrement des données de comparaison avec le rythme cardiaque d’une personne en train de se noyer. Il faudra sûrement que je règle ce problème si je veux pouvoir exploiter ces données…

Je me relève ensuite et fini par la placer sur le côté, en position latérale. Sans jamais abandonner la cigarette vissée à mes lèvres et sans non plus arrêter de recracher, occasionnellement quelques bouffées de fumée. Oui, elle ne devrait pas mourir, mais je me demande pendant combien de temps elle va rester dans cet état ou s’il va se passer autres choses. Attendons donc un peu.

L’eau est un élément ambigu. Elle est nécessaire pour maintenir l’organisme en l’état. Tous les êtres vivants ou presque ont ce point commun d’avoir besoin d’elle, d’une façon ou d’une autre. Mais c’est aussi l’un des éléments les plus cruels. On parle souvent des destructions du feu et des incendies qui ne laissent rien derrière eux mais les dégâts des inondations ne sont pas mieux, parfois même, ils sont bien pires. Nous n’en avons pas ici, mais dans le monde d’avant, il y avait de grands océans. Alors, les réactions de son pouvoir auraient pu être plus dangereuse, elle aurait pu nous noyer tous les deux. Je ne sais pas si elle l’a voulu, ou si elle n’a pas pu. Mais vu sa réaction, je dirais qu’elle en a perdu le contrôle complètement, intéressant. Voilà un gens des possibles qui s’ouvre à moi dans mes études. Je pense que j’ai trop sous-estimé cet aspect-là de mes recherches et pourtant, une partie de la réponse était sous mes yeux depuis le début.

Je me rends enfin compte que je suis trempé… D’un soupir, j’enlève la blouse blanche posée sur mes épaules et la veste de mon uniforme. Je ne fais pas attention à elle pendant ce temps. Elle ne va pas mourir, alors, pas besoin de faire plus attention que ça à ce qui lui arrive. Néanmoins, je tique quand je ne l’entends plus tousser et je fais volte-face vers elle. Intéressant, je vois aussi que sa respiration est rapidement revenue. Puis, l’excès de force dont elle a fait preuve s’évapore. Je vois sa poitrine se soulever, elle n’est pas morte. J’ai arqué un sourcil brièvement, m’étant posé la question de son trépas. Et c’est là, vraiment, ce qui attire mon attention et fait naître sur mon visage un sourire de contentement profond ! Tes doigts bougent mais rien ne réponds ! Formidable ! Vraiment !

Je te laisse là, à moitié à genoux quelques instants, le temps de prendre l’ultime inspiration sur ma cigarette et de l’écraser dans le cendrier. Puis je m’avance vers toi, m’abaissant à ton niveau, je pose deux doigts sur l’artère de ton cou pour mesurer ton pouls. Tes constantes semblent bonnes, malgré le rythme effréné encore de ton coeur. Je passe alors dans ton dos et j’attrape quelque chose de posé là. Je passe l’objet autour de mon cou, et les deux extrémités dans mes oreilles et j’applique le cercle de métal froid dans ton dos, sous tes vêtements trempés. Fascinant. Je le déplace à quelques endroits de ton dos, écoutant le rythme de tes poumons et de ta respiration. La bonne nouvelle, Desire, c’est que tu vas bien, enfin, tu iras bien. J’arrête alors mon examen et repose le stéthoscope dont je venais de m’emparer. Je repasse devant toi cette fois et passe mon bras sous ton épaule pour te soulever. Je te traîne, sans grande délicatesse mais avec un peu plus de considération, vers un genre de lit de camp, qui me sert surtout quand je passe mes nuits dans mon laboratoire et je t’allonge là.

Puis, je repars vers notes car nous venons de faire une grande avancés !